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La Question des Vaccins
22 juin 2007

Polio : des illusions perdues à la quadrature du cercle

Selon la définition adoptée par l’Assemblée mondiale de la Santé en 1988, l’éradication de la polio signifiait l’élimination des types 1, 2 et 3 du poliovirus sauvage ainsi que l’interruption des moyens de lutte, c’est à dire la vaccination. Délibérément, cette définition écartait les 2 risques liés au vaccin polio oral (VPO), le seul utilisé pour la campagne d’éradication : le premier risque étant l’apparition de paralysies chez des vaccinés, le second étant lié à la circulation du poliovirus vaccinal capable de contaminer d’autres personnes et de redevenir paralysant. On considérait à l’époque que le virus vaccinal disparaîtrait rapidement de lui-même après l’arrêt de la vaccination orale… Cette croyance perdurera longtemps puisqu’en 2000 un numéro spécial polio du Bulletin de l'OMS émettait encore les trois opinions suivantes :

 

1- Le virus transmis par le VPO ne circule probablement dans la population que pendant une durée limitée, au maximum trois mois selon les données disponibles à l'époque.

2- Les foyers épidémiques étaient toujours dus à des souches sauvages, et non à des souches dérivées des vaccins, suggérant que ces virus dérivés se transmettaient moins facilement que les souches sauvages.

3- Lorsqu'il y avait recombinaison avec d'autres entérovirus, c'est-à-dire échange de matériel génétique avec des virus de la même famille que le virus de la polio, ces virus recombinants devaient être peu virulents et « ne pas représenter une menace pour le programme d'éradication »

 

Les opinions sont une chose, la réalité en est une autre :

 

Alors que l'ensemble des Amériques était reconnu indemne de polio depuis 1994, 21 cas de polio dont deux mortels ont été déclarés en 2000 et en 2001 en république Dominicaine et à Haïti. Il fut établi que les virus descendaient d'une seule dose de VPO administrée fin 1998. D'où la conclusion que le virus issu du vaccin pouvait circuler au moins un an et demi avant de redevenir pathogène, soit nettement plus longtemps que ce qu'on croyait jusque là.

L'analyse génétique a renversé une autre certitude : tous les virus analysés provenaient d'une recombinaison entre la souche vaccinale et un entérovirus : le virus vaccinal s'était re-combiné avec « au moins quatre différents entérovirus ». Contrairement aux attentes, cette recombinaison a produit des virus qui, d'une part, étaient redevenus pathogènes et, d'autre part, avaient retrouvé la capacité de se transmettre facilement d'une personne à l'autre.

Des chercheurs étudièrent d’anciens prélèvements de selles de malades atteints de paralysie associée à la vaccination. Des virus provenant de prélèvements effectués en Egypte chez 32 personnes victimes de poliomyélite associée à la vaccination de 1988 à 1993 ont été analysés génétiquement. Le virus dérivé du VPO avait commencé à circuler approximativement en 1982 et s'était donc propagé pendant cinq ans dans la population avant de retrouver son pouvoir pathogène. Ce virus a ensuite été transmis pendant cinq autres années avant que des campagnes de vaccination n’en viennent à bout. Les cas de paralysie correspondaient à dix chaînes de transmission.

Les cas égyptiens sont dus au type 2 du virus vaccinal, type dont la circulation sous forme sauvage a cessé dans le pays en 1979. Ils préfigurent le scénario auquel se prépare l'OMS pour les trois types de virus : quand les souches sauvages de type 1 et 3 auront été éliminées, comme le type 2 l'est à l'échelle planétaire, les cas de polio qui se produiront encore seront tous dus à des virus dérivés du VPO.

Selon les experts, en Egypte comme en république Dominicaine et en Haïti, la transmission du virus pendant des années a été possible parce que la couverture vaccinale de la population était faible. Ils affirmaient alors que dans une communauté bien vaccinée, le virus issu du VPO était dans l'impossibilité de trouver une chaîne d'individus susceptibles de transmettre l'infection. Pour eux, ces pays cumulaient deux handicaps expliquant ce phénomène: de mauvaises conditions d'hygiène et une couverture vaccinale insuffisante. D’autres épidémies dues à des poliovirus vaccinaux circulants ont été observées à Madagascar (2002) et en Chine (2004), pays qui étaient indemnes de polio à virus sauvage depuis plusieurs années.

Le Comité consultatif sur l’éradication de la poliomyélite ( Genève, 22/09/04) reconnaît qu’“après l’éradication du poliovirus sauvage, l’utilisation continue du vaccin antipoliomyélitique oral (VPO) pourrait compromettre l’objectif d'un monde exempt de poliomyélite car l’utilisation continue du VPO entraînera une augmentation prévisible de la poliomyélite due aux poliovirus circulants dérivés d'une souche vaccinale. »

La stratégie post-éradication vient d’être arrêtée : il a été décidé d’interrompre la vaccination orale aussitôt après la proclamation de l’éradication de la polio à virus sauvage. Si le recours au vaccin injectable(VPI) avait été envisagé pour poursuivre les activités de vaccination, le coût et la difficulté d’emploi de ce vaccin (utilisation d’aiguilles et personnel qualifié au lieu de bénévoles formés en une heure pour le VPO) y ont fait renoncer pour les pays actuellement endémiques :

«  l’OMS préconise aux pays utilisant le VPO de ne pas commencer à utiliser le VPI pour la vaccination systématique. »

Les campagnes de vaccination dans ces pays devraient donc se limiter à des campagnes ponctuelles et localisées autour des cas qui seraient observés, ce qui nécessite le maintien ou l’implantation d’une surveillance adéquat sur d’immenses régions. Les campagnes ponctuelles de vaccination se feront avec le VPO qui provoquera ainsi des polio chez des vaccinés et relancera la circulation du virus vaccinal, circulation contre laquelle il sera censé lutter…Après avoir affirmé qu’une couverture vaccinale insuffisante était à l’origine des épidémies par le virus vaccinal, l’OMS organise maintenant elle-même, par ses recommandations aux Etats concernés, la réduction de cette fameuse couverture vaccinale pour la phase post-éradication… L’OMS le sait et, confrontée à la quadrature du cercle, paraît presque déjà résignée à l’inévitable :

« Alors que le faible taux de couverture de la vaccination systématique contribue probablement aux conditions favorables à l’émergence des poliovirus circulants dérivés d’une souche vaccinale et que les campagnes de vaccination de masse par le VPO ont finalement arrêté chaque épidémie signalée, il semblerait que même les progrès majeurs en matière de taux de couverture vaccinale systématique de la poliomyélite ne permettront pas d'éviter les épidémies futures de poliomyélite dues à ces facteurs »

La transmission du poliovirus sauvage ou vaccinal se fait, pour l’essentiel, par l’eau souillée par des excréments humains. Le pari lancé en 1988 était de vaincre ce virus par la seule vaccination sans chercher à maîtriser le problème des eaux usées. Ce pari pourra-t-il être gagné ? La question attend toujours sa réponse. En effet, en 2006 l’OMS a enregistré 1998 cas de polio à virus sauvage dans le monde dont 1124 au Nigeria et 676 en Inde.

Il a beaucoup été dit, y compris par l’OMS, que c’était l’opposition manifestée par des états du nord du Nigeria aux campagnes de vaccinations en 2003 qui avait empêché l’OMS d’annoncer la fin de la polio dans le monde. Mais les épidémies de polio au nord de l’Inde dans l’Uttar Pradesh notamment, la région la plus pauvre de l’Inde, sont sans rapport avec les épidémies au Nigeria. Les vaccinations dans ce pays n’auraient pas eu le pouvoir d’arrêter les épidémies du nord de l’Inde.

Mon propos n’est pas d’approuver pour autant les arguments qui ont été utilisés par les chefs de ces états du Nigeria pour justifier leur position antivaccinal comme par exemple de vouloir stériliser les populations ou de leur donner le sida par cette vaccination. Le vaccin polio oral présente par lui-même des inconvénients suffisamment importants pour ne pas aller chercher de tels arguments. Il peut en effet remettre en cause la possibilité d’éradiquer la polio avec en particulier des conséquences financières graves : en lançant son programme l’OMS faisait espérer aux états les plus pauvres de se libérer d’un fléau et de la charge financière associée aux moyens de lutte comme les vaccinations, la surveillance et les séquelles de la maladie. Même si l’OMS affirme toujours l’espérer, et on pourrait le souhaiter, rien ne permet de dire aujourd’hui que le pari financier sera gagné d’ici quelques années.

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Commentaires
B
Les connaissances concernant les recombinaisons entre microorganismes ont, je crois, considérablement augmenté à tel point que ce phénomène ne semble plus aussi rare qu'il apparaissait auparavant... Dans une récente publication je découvrais même- si j'ai bien compris- qu'un scientifique de renom s'appuyait sur ces phénomènes pour contester l'existence de la sélection naturelle darwinienne dans un premier temps de l'évolution ! ( cette opinion, malgré la renommée de son auteur est contestée ; au surplus ces phénomènes de recombinaison peuvent être intégrés à la théorie synthétique de l'évolution).<br /> <br /> <br /> <br /> Concernant l’étiologie de la polio, sur Ageofautism un article récent veut faire le lien entre le virus et des facteurs environnementaux-chimiques : http://www.ageofautism.com/2014/02/polio-like-cluster-in-california-has-eerie-echoes.html ( je me souviens que pour le virus de la grippe on a MONTRE - sur des mammifères marins- que des facteurs chimiques accroissaient la virulence du virus . quant à dire que c'est suffisant ou toujours le cas...)<br /> <br /> <br /> <br /> Enfin, cet article vous intéressera peut être : http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1473032/
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B
Je suis tombé sur ce témoignage du Pr. André Boué : "Nous avons alors imaginé d'inonder toute la population avec le vaccin vivant Sabin (type 1). Nous pensions que s'il y avait dans tous les intestins le virus vaccin, la propagation du virus sauvage serait arrêtée. J'avais confiance, des essais avaient déjà été faits aux Etats-Unis. Nous avons donc tenté cette expérience avec l'accord de Charles Mérieux, du directeur de la Santé, Eugène Aujaleu et du Professeur Debré, en nous dispensant de toute autorisation. Que dire sinon qu'aujourd'hui il serait impensable de procéder ainsi ? Mais après avoir examiné les selles des enfants pour savoir si le virus vaccin avait remplacé le virus sauvage, nous avons constaté que nous avions ainsi arrêté l'épidémie au bout de 4 ou 5 jours. Philippe Lazar a fait l'analyse statistique de cette campagne de vaccination." http://www.histrecmed.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=23:boue-andre&catid=8:entretiens&Itemid=129<br /> <br /> Cordialement;
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