La vaccination hépatite B peut-elle favoriser l'apparition de la sclérose en plaques chez l'enfant ? Les études françaises sur le sujet ont sans doute le potentiel pour montrer de façon très convaincante que la vaccination avait favorisé l'apparition de scléroses en plaques chez ceux qui, sans elle, auraient seulement fait une affection démyélinisante centrale avant 16 ans ou même aucune atteinte démyélinisante car il ne sera pas possible de distinguer entre ces 2 possibilités.
ADDITIF du 30 mai 2015:
"La vaccination ça ne se discute pas!" a déclaré Marisol Touraine ministre de la santé le 29 mai 2015. Si la vaccination ne se discute pas elle peut s'étudier comme ci-dessous et il y a beaucoup à dire !!!
FIN de l'additif
Rappelons d'abord qu'en France une cohorte d'enfants nommée KIDSEP a été suivie sur une période de 10 ans entre 1994 et 2003 et jusqu'à 16 ans pour observer l'apparition d'une première atteinte démyélinisante centrale (ADC) et juqu'au 30 juin 2006 pour sa confirmation en scléroses en plaques (SEP). La date retenue pour les délais d'apparition après la vaccination est celle de la première atteinte. Trois études françaises ont été publiées sur les données collectées, deux en décembre 2007 et la troisième, qui fit grand bruit, le 8 octobre 2008.
La première a voulu étudier sur 33 enfants si la vaccination avait pu aggraver une première ADC apparue avant la vaccination. Pour les deux autres, les enfants étaient indemnes de toutes ADC avant la vaccination. Celle publiée en décembre 2007 [1] porte sur l'apparition de SEP au cours de la fenêtre d'observation alors que celle de 2008 [2] regroupe l'ensemble des ADC et complète pour la SEP les résultats de 2007 (seul le résumé est d'accès libre mais elle est présentée dans un diaporama [3]). Mais elle n'a pas cherché à étudier séparément des scléroses en plaques et les ADC non SEP. Nous allons voir que cette dissociation apporte des informations très intéressantes.
Voir aussi mon article "Vaccination hépatite B chez les enfants : une étude aussi contestable que révélatrice".
Et aussi mon article "Le péché originel des études cas-témoins sur une population".
J'ai présenté un résumé de ces réflexions sous forme de communication affichée (poster) au congrès de la Sfsp (Société française de santé publique) à Lille, les 2-4 novembre 2011.
Ce qui frappe au premier abord dans la publication 2008 c'est le tableau 2 (reproduit dans le diaporama annoncé) récapitulant 16 odds ratio* de différents sous-groupes : ils sont tous inférieurs à 1, le plus faible valant 0,58. Normalement, si l'étude est réalisée correctement et que parmi les critères testés aucun ne favorise ou défavorise l'apparition d'une ADC, les odds ratio (OR) devraient se répartir aléatoirement de part et d'autres de 1 sans trop s'en éloigner.
*Précisons ici que l'odds ratio ou rapport des cotes est le rapport entre la cote relative aux cas c'est à dire la division du nombre de cas vaccinés par le nombre de cas non vaccinés et la cote pour les témoins c'est à dire la division du nombre de témoins vaccinés par le nombre de témoins non vaccinés. Il peut donner une estimation du risque relatif. Aussi, le lecteur peu habitué aux odds ratio pourra traduire OR par risque relatif. Pour plus de détails sur l'odds ratio voir l'annexe d'un de mes articles.
Bien sûr, cette anomalie avait attiré l'attention des auteurs et de la Commission nationale de pharmacovigilance qui avait examiné l'étude (voir son compte rendu sur le site de l'Afssaps). Ils ont voulu l'interpréter par un biais de sélection des témoins qui aurait favorisé l'obtention d'un trop grand nombre de témoins vaccinés, un tel excès provoquant effectivement la diminution de l'OR. Voici ce qu'écrit le compte rendu de la Commission de pharmacovigilance :
« La justification de l’analyse restreinte aux enfants observants au calendrier vaccinal officiel n’apparaît pas claire.
Elle semble reposer sur l’hypothèse d'un possible biais de réponse des témoins, en faveur d'enfants globalement mieux vaccinés que la population générale, ce qui aurait pu entrainer une sous-estimation de l’OR.
Il est surprenant que l'hypothèse de ce biais ait été maintenue au vu des résultats donnés par les auteurs sur l'absence de différence de taux d’observance aux recommandations entre les cas et les témoins.
Par ailleurs, l’analyse dans le sous-groupe des enfants non observants au calendrier vaccinal, aurait probablement montré un effet "protecteur" du vaccin. »
Autre interprétation du phénomène observé
Pour mettre clairement en évidence une autre interprétation j'ai distingué entre les SEP et les ADC non SEP. Comme l'étude 2007 étudiait seulement les SEP et que l'étude 2008 cumulait les SEP et les ADC non SEP, de simples soustractions donnent aussitôt les 4 nombres associés aux ADC non SEP. J'ai récapitulé les données publiées dans le tableau suivant :
|
Maladie |
Vaccinés |
Non Vaccinés |
Totaux |
Cas |
ADC SEP Sep 10-16 ans Sep < 10 ans ADC non SEP |
154 (44,13%) 80 (55,94%) 70 (69,31%) 10 (23,81%) 74 (35,92%) |
195 (55,87%) 63 (44,06%) 31 (30,69%) 32 (76,19%) 132 (64,08%) |
349 143 101 42 206 |
Témoins associés aux cas |
ADC SEP Sep 10-16 ans Sep < 10 ans ADC non SEP |
1398 (47,53%) 609 (54,28%) 512 (66,9%) 97 (27,17%) 789 (43,38%) |
1543 (52,47%) 513 (45,72%) 253 (33,1%) 260 (72,83%) 1030 (56,62%) |
2941 1122 765 357 1819 |
Premier constat sur les cas
On constate que les SEP sont plus nombreuses chez les vaccinés (80) que chez les non vaccinés (63). Par contre, les ADC non SEP sont beaucoup plus nombreuses chez les non vaccinés (132) que chez les vaccinés (74) alors qu'il s'agit de la même population d'enfants. Les proportions de vaccinés sont mêmes très éloignées : 55,94% de vaccinés parmi les SEP contre 35,92% parmi les ADC non SEP.
Chez les vaccinés, 80 ADC se sont donc transformées en SEP parmi 154 ADC contre 63 parmi 195 chez les non vaccinés. Les probabilités d'évolution d'une ADC simple en SEP peuvent ainsi être estimées par 80/154=51,95% et 63/195=32,31%. A vue, l'écart parait très important alors que les nombres absolus sont assez élevés, ce qui est favorable à un résultat significatif. Voilà une observation facile à faire et qui aurait pu au moins alerter (elle le peut toujours!)
On peut préciser en testant par le test classique de comparaison de 2 lois binomiales. Ce test donne 0,01% de chances(une sur 10 000) d'obtenir un écart au moins aussi grand que celui observé, ce qui est plus que très significatif (significatif correspond à 2,5% ; très significatif à 0,5%).
Ces écarts pourraient même être plus importants encore si on disposait des données pour les ADC non SEP apparues chez les 10-16 ans car dans cette classe d'âge la proportion de SEP vaccinées passe à 69,31%
Un odds ratio significatif côté "vaccin protecteur"
Pour mesurer l'ampleur de cet écart on calcule d'abord l'OR relatif à la vaccination des ADC non SEP qui vaut 0,73 inférieur à 1 :
la cote pour les cas est 74/132 et celle pour les témoins 789/1030 soit OR=0,73.
Il faut ensuite évaluer si 0,73 est assez proche de 1 ou en est très éloigné. Cette évaluation se fait en calculant la probabilité d'obtenir une valeur de OR au moins aussi éloignée de 1 que la valeur observée 0,73. Cela demande une modélisation par une loi de probabilités dite log-normale. Elle vaut 2,0% qui indique un écart significatif au seuil habituel des épidémiologistes (test bilatéral à 5% significatif si cette probabilité est inférieure à 5%).
Ou encore, la borne supérieure de l'intervalle de confiance à 95% est inférieure à 1 pour ceux qui préfèrent cette formulation pourtant moins précise.
On a donc un résultat significatif côté "vaccin protecteur" ce qui mesure l'ampleur de l'écart et aurait pu combler d'aise la Commission nationale de pharmacovigilance !
Une probabilité aussi faible signifie qu'il y a peu de chances d'expliquer l'écart observé par de simples variations aléatoires et qu'il est opportun de chercher une autre explication. Rappelons que le test statistique fonctionne comme un système d'alarme qui nous invite à nous interroger.
Additif
Ce constat pourrait être plus important encore car en réalité l'étude 2008 avait enregistré 151 cas de SEP soit 8 de plus que celle de fin 2007. Faute de renseignements sur les vaccinés parmi ces 8 cas et leurs témoins associés je les ai laissés parmi les ADC non SEP. Il y a 1192 témoins associés à ces 151 SEP soit 70 pour les 8 cas supplémentaires mais l'étude fait silence sur le nombre de vaccinés. En faisant une hypothèse moyenne, c'est à dire 4 vaccinés sur 8 et 35 témoins vaccinés, la probabilité donnée par le test vaut 1,85% inférieure à 2%.
Les études sont ainsi rédigées qu'il faut glaner les données comme dans un jeu de pistes ou un rallye astuces ... Mais ça entretient la vigilance ...
Bien sûr, il est peu vraisemblable que le vaccin protège contre ces affections et il faut rechercher une autre cause à cette observation comme ont voulu le faire les auteurs et la Commission. Supposer, comme ils l'ont fait, qu'il s'agissait d'un biais de sélection des témoins ayant donné beaucoup trop de témoins vaccinés est une pure supposition méritant à peine le qualificatif d'hypothèse car elle ne paraît pas cohérente avec les taux de vaccination des témoins :
pour les témoins associés aux cas de SEP, les auteurs eux-mêmes les ont jugés proches des couvertures vaccinales de la population d'enfants qu'ils ont étudiée alors que ce taux est de 54,28%. Celui pour les témoins associés aux ADC non SEP est nettement plus faible avec 789/1819=43,38%. Pour les témoins associés à l'ensemble des ADC les auteurs donnent un taux de vaccination de 1398/2941=47,5%. S'ils jugent normal le taux de 54,28% comment pourraient-ils trouver trop élevé celui de 47,5% ? C'est incompréhensible sauf à admettre que les ADC non SEP ne se répartiraient pas de la même façon que les SEP parmi les classes d'âges fortement et faiblement vaccinées, ce qu'on étudiera plus loin.
Voici une autre supposition bien différente et qui mériterait davantage d'être considérée comme une hypothèse en raison de sa cohérence :
Hypothèse La vaccination hépatite B aurait fait évoluer en sclérose en plaques un certain nombre de cas qui sans cela n'auraient été que des ADC non SEP dans la fenêtre d'observation ou qui aurait transformé en SEP des ADC qui ne se seraient pas produites sans cette vaccination*. Rappelons que les enfants ne souffraient d'aucune ADC au moment de leur vaccination. * Il est impossible sur ces données de distinguer entre des ADC qui seraient apparues sans la vaccination de celles qu'elle aurait pu provoquer. |
Autrement dit, la vaccination aurait eu un effet aggravant. On peut noter que du point de vue du seul résultat du test on peut seulement dire qu'il y a significativement moins d'ADC chez les vaccinés que chez les non vaccinés, ce qui peut seulement vouloir dire que certains auraient changé de statut, soit du côté "absence d'ADC" soit du côté "aggravation en SEP". Rien dans le résultat du test ne permet de dire qu'il s'agit d'un effet protecteur, ce peut tout aussi bien être, a priori, un effet aggravant ayant entrainé un changement de classification.
Cette hypothèse permet d'expliquer à la fois la diminution importante puisque significative du nombre d'ADC non SEP chez les vaccinés par rapport aux non vaccinés ainsi qu'un nombre sensiblement plus élevé de SEP chez les vaccinés : chez les 10-16 ans on a en effet 70 SEP chez les vaccinés contre 31 chez les non vaccinés, soit 69,31% de cas vaccinés alors que la couverture vaccinale chez les 10-16 ans ne dépassait sans doute pas 60%. Même si ces écarts ne sont pas significatifs ils donnent une orientation.
Que disent les témoins ?
Du point de vue de la couverture vaccinale (CV) la population étudiée pourrait se partager en 3 groupes :
1- les moins de 10 ans dont la CV était inférieure à 30% (26,50% chez les témoins associés aux cas de SEP);
2- les classes d'âges qui avaient été vaccinées au collège en sixième entre octobre 1994 et juin 1997 avec une CV qui pouvait atteindre 75-80%;
3- les plus de 10 ans qui avaient échappé à ces campagnes, soit parce qu'ils étaient plus âgés en octobre 1994 soit parce qu'ils n'étaient entrés au collège qu'à partir d'octobre 1998 quand la campagne fut arrêtée par Bernard Kouchner au cours de sa célèbre conférence de presse du 1er octobre 1998. Leur CV pouvait se situer autour de 35-40%.
Confirmation par l'âge
Nous constatons que la proportion de vaccinés parmi les témoins associés aux ADC non SEP est 789/1819=43,38%. Pour ceux associés à la SEP elle est 609/1122=54,28% pour l'ensemble, 512/765=69,9% chez les 10-16ans et 97/357=27,17% chez les moins de 10 ans. L'écart très important entre 43,38% et 54,28% suggère fortement que les cas d'ADC non SEP ne se répartissent pas de la même façon que les SEP dans les différentes classes d'âges. Plus précisément, les ADC non SEP devraient être plus fréquentes dans les classes d'âges les moins vaccinées, en particulier les moins de 10 ans. On peut préciser ce point :
Avec les données publiées j'ai pu calculer l'âge moyen des 206 cas d'ADC non SEP qui est 7,8 contre 11,5 pour les cas de SEP. Or, il ne s'agit pas de l'âge d'apparition de la SEP mais de la première atteinte démyélinisante centrale, donc aussi d'une ADC non SEP à ce moment là. Il s'agit donc du même événement médical.
Autrement dit, quand une ADC se produit jeune, disons avant 10 ans, elle aurait moins de chance d'évoluer en SEP que si elle apparait après 10 ans, l'observation étant limitée à 16 ans.
C'est assez surprenant car un écart de 3,7 ans parait considérable à cet âge*. D'autant que les plus jeunes avaient plus de temps devant eux pour convertir leur ADC simple en SEP. Aussi on doit se demander si cela était habituel, c'est à dire préexistait à la vaccination ou si au contraire ce serait un effet de celle-ci, tout particulièrement celle pratiquée à l'entrée en sixième dans les collèges.
On pourrait trouver là une confirmation de l'hypothèse que la vaccination dans les collèges aurait favorisé l'évolution d'ADC simples en scléroses en plaques.
Pour préciser davantage on pourrait essayer de comparer la répartition des cas vaccinés et non vaccinés en fonction des âges. A défaut, l'âge moyen de 7,8 impose pratiquement qu'environ la moitié des cas avait moins de 10 ans. Comme la CV parmi les moins de 10 ans n'atteint pas 30% il faut que les autres cas soient souvent apparus dans des classes d'âge fortement vaccinées pour que le taux de témoins vaccinés puisse dépasser 43% (rappelons que les témoins sont du même âge que les cas à 6 mois près).
*J'ai dû laisser les 8 cas supplémentaires de SEP parmi les ADC non SEP alors qu'il y a toute chance que leur déplacement dans le groupe SEP aurait alors pour effet de diminuer la moyenne des ADC non SEP et d'augmenter celle des SEP.
Mais ces cas étaient-ils vaccinés ?
Une répartition équitable parmi eux (dans les classes d'âge fortement vaccinées) entre vaccinés et non vaccinés supposerait que 70 à 80% d'entre-eux soient vaccinés. Mais alors il deviendrait difficile de n'avoir que 36% de vaccinés parmi l'ensemble des cas d'ADC non SEP. Il paraît donc au contraire très vraisemblable que beaucoup de ces cas n'étaient pas vaccinés contrairement à ce qui est attendu.
Tout cela pourrait se vérifier aisément sur les données dont disposent les auteurs et qui ne nous sont pas accessibles, situation qui deviendra de moins en moins acceptable à l'heure où on voudrait promouvoir la démocratie sanitaire comme au colloque de novembre 2011 organisé par la Société française de santé publique. Mais je suis contraint de faire avec ce dont je dispose et ce dont je ne dispose pas.
Cela pourrait signifier que le déficit des cas d'ADC non SEP chez les vaccinés, déjà mis en évidence sur l'ensemble des enfants de la cohorte, serait plus important encore si on se limitait aux enfants de 10-16 ans et plus encore pour ceux des classes fortement vaccinées. Ce n'est pas une certitude absolue faute d'accès aux données mais c'est vraisemblable.
On aurait alors une confirmation très convaincante de l'hypothèse formulée puisque dans ces classes d'âge fortement vaccinées on aurait beaucoup moins d'ADC non SEP chez les vaccinés que chez les non vaccinés avec une augmentation de la SEP en correspondance directe.
Comparaison des vaccins Engerix B et Genhevac B
(Voir aussi en annexe un complément sur les problèmes posés par la définition de ces sous-groupes)
Les 2 publications 2007 et 2008 ont cherché à distinguer entre le vaccin Engerix B de GSK qui a été le plus utilisé et le Genhevac B de Sanofi. J'ai retenu un certain nombres des OR trouvés dans ces publications. J'ai regroupé ceux concernant la SEP et les ADC avec les délais ne dépassant pas 3 ans ou au delà de 3 ans et ce pour tous les vaccinés (partie supérieure du tableau) ou seulement pour les observants au calendrier vaccinal. J'ai éliminé les OR indépendants du délai qui n'apportent rien car ils regroupent des données allant souvent dans des directions opposées comme on va pouvoir le constater.
Je n'ai pas reproduit les intervalles de confiance à 95% calculés par les auteurs mais je les ai remplacé par la probabilité d'avoir un OR au moins aussi grand que celui observé. Aussi, pour un OR inférieur à 1 cette probabilité sera supérieure à 50%. C'est à la fois plus précis et permettant des comparaisons. Un écart est significatif au seuil habituel de 5% si cette probabilité est inférieure à 2,5% (vaccin "dangereux") ou si elle est supérieure à 97,5% ''vaccin protecteur''.
SEP |
[0 3] ans OR ; Proba |
> 3 ans OR ; Proba |
ADC + SEP |
[0 3] ans OR ; Proba |
>3 ans OR ; Proba |
Engerix |
1,17; 30,4% |
1,68; 4,3% ↑ |
|
0,76; 91,7% |
0,98; 53,8% ↑ |
Genhevac |
0,88; 63,8% |
0,59; 87,5% ↓ |
|
0,68; 77,4% |
0,91; 63,7% ↑ |
Observants calendrier |
[0 3] ans |
> 3 ans |
ADC + SEP |
[0 3] ans |
> 3 ans |
Engerix |
1,11; 41,6% |
2,77; 0,7% ↑ |
|
0,71; 87% |
1,74; 2% |
Genhevac |
0,82; 61,8% |
1,13; 41,7% ↑ |
|
0,68;80,3% |
1,5 ; 14,4% |
Constats :
1- Dans tous les cas la probabilité diminue et l'OR augmente quand on passe du délai [0 3] ans au délai > 3 ans sauf pour les SEP avec Genhevac où c'est l'inverse (de 0,88 à 0,59 et de 63,8% à 87,5%).
2- La diminution de cette probabilité peut même être très importante quand cette probabilité devient 4,3%, 2% et même 0,7%, ces 2 dernières donnant des OR significatifs et même presque très significatif pour le dernier (très significatif si < 0,5%). C'est ce résultat qui avait déclenché toute l'affaire fin septembre 2008.
3- L'écart observé entre les délais [0 3] ans et > 3 ans est même significatif pour les observants au calendrier avec Engerix quand on passe de OR=0,71 à OR=1,74. La traduction "spontanée" serait : avant 3 ans le vaccin aurait tendance à avoir un effet ''protecteur'' sur les ADC + SEP et au delà de 3 ans un effet ''favorisant''. Mais ce n'est pas forcément ainsi qu'il faut interpréter, c'est seulement l'apparence.
4- Les variations avec Engerix et Genhevac quand on passe du délai [0 3] ans à au delà de 3 ans peuvent se faire en sens opposés (indiqué avec des flèches dans le tableau):
- C'est le cas pour la SEP où l'OR passe de 1,17 à 1,68 avec Engerix contre de 0,88 à 0,59 avec Genhevac, les probabilités suivant le même mouvement. La traduction ''spontanée'' serait : Engerix "favorise" la SEP et Genhevac aurait un effet ''protecteur '' sur la SEP quand le délai passe de au plus 3 ans à au delà de 3 ans.
5 - C'est aussi le cas entre les SEP et les ADC du groupe des observants au calendrier pour le délai > 3 ans mais en sens inverse : on passe de 2,77 (0,7%) à 1,74 (2%) avec Engerix et de 1,13 (41,7%) à 1,50 (14,4%) avec Genhevac. Si on disposait des données pour les ADC non SEP il est fort probable que l'OR cesserait d'être significatif pour Engerix les ADC simples doivent avoir un OR assez faible pour que leur cumul avec les SEP fasse baisser l'OR de 2,77 à 1,74). Par contre l'OR pourrait devenir significatif pour Genhevac quand on constate que l'OR passe de 1,13 à 1,5 en ajoutant les ADC simples aux SEP.
Traduction ''spontanée'' : au delà de 3 ans Engerix favorise la SEP et Genhevac les ADC non SEP.
Confrontés à ces oppositions de résultats entre Engerix et Genhevac les auteurs et la Commission nationale de pharmacovigilance se sont interrogés sur les mérites comparés de la culture sur levure (Engerix) ou sur cellules de hamster chinois (Genhevac). Mais avant de se lancer dans de telles considérations il faudrait se demander s'il ne s'agirait pas de tout autre chose comme par exemple d'un artefact statistique.
Engerix a été beaucoup plus utilisé que Genhevac et plus tôt puisque c'était, chacun s'en souvient, le laboratoire SKB devenu GSK qui avait arraché le marché des collèges octroyé par le ministre de la santé Philippe Douste Blazy en juillet 1994. Genhevac est arrivé plus tardivement mais je ne sais pas préciser ce point.
Une conséquence fut que les enfants vaccinés avec Engerix dans les collèges ont sans doute disposé d'au moins 2 ans de plus pour qu'une ADC simple puisse évoluer vers la SEP. Or les enfants étaient suivis seulement jusqu'à 16 ans ou 2003*. Il est donc possible que certains vaccinés avec Genhevac n'aient pas eu le temps de convertir leur ADC simple en SEP avant l'échéance de la surveillance. Cela permettrait d'expliquer tout à la fois l'excès de SEP et le déficit d'ADC simples avec Engerix ainsi que le déficit de SEP et l'excès d'ADC simples avec Genhevac.
*Plus précisément, si j'ai bien compris, la première atteinte démyélinisante centrale devait se produire soit à 16 ans au plus soit avant fin 2003. La seconde atteinte confirmant la SEP pouvait se produire après avec un suivi jusqu'au 30 juin 2006. Ceux vaccinés en sixième à 11 ans en 1997-1998 avaient 16 ans en 2003. Ils disposaient donc de la même durée que ceux vaccinés au même âge en 1994-1995. Par contre, si ces derniers pouvaient convertir leur première atteinte en SEP jusqu'au 30 juin 2006, ils disposaient de plus de temps que les autres pour le faire, ce qui pourrait expliquer les différences apparentes entre Engerix et Genhevac.
On ne peut pas exclure non plus le rôle d'une répartition très dispersée des témoins puisque chaque cas avait reçu entre 1 et 12 témoins. On peut aussi noter que les effectifs deviennent parfois très faibles*, surtout avec Genhevac (7 cas vaccinés), ce qui réduit la fiabilité des tests.
*A ce sujet les auteurs n'hésitent pas à proposer des tests avec seulement 2 cas vaccinés ! Ils le font sans mentionner aucune restriction sur leur fiabilité ...
Fenêtre d'observation et déficit de cas
On peut mettre en évidence comment la limite arbitraire de l'observation des cas a pu créer un déficit de cas parmi les SEP comme le suggèrent les OR pour Genhevac.
Les auteurs avaient retenu 80 cas vaccinés de SEP dont 74 au cours des 6 années qui ont suivi leur vaccination. Le tableau ci-dessous donne le détail par année. En regroupant les 4 premières années, soit 62 cas, on obtient une estimation de 15,5 pour la moyenne sur le délai de 4 ans. On peut aussi constater que les variations sont faibles pour ces 4 années.
Durée |
0-1 an |
1-2 ans |
2-3 ans |
3-4 ans |
Total |
4-5 ans |
5-6 ans |
Totaux |
>6 ans |
Cas |
14 |
14 |
18 |
16 |
62 |
9 |
3 |
12 74 |
6 |
Moyenne |
|
|
|
|
15,5 |
|
|
6 12,33 |
|
En modélisant par une loi de Poisson le nombre annuel de cas sur ces 4 années on calcule alors qu'il y aura 5,5% de chances de ne pas dépasser 9 cas comme observé la cinquième année et surtout 0,014% de chances d'avoir au plus 3 cas comme observé la sixième année. L'anomalie est donc flagrante avec ce test portant uniquement sur les cas vaccinés, les témoins associés n'intervenant pas ici.
L'évolution du nombre de cas devient encore plus net en regroupant les donnée sur 2 années consécutives. On a ainsi successivement :
28 cas ; 34 cas et 12 cas
L'écart entre 28 et 12 cas est largement significative : probabilité d'observer un écart au moins aussi important 0,57% (la comparaison des 2 lois de Poisson est faite par la loi normale centrée et de variance 28+12=40, l'écart observée étant 28-12=16.
Interprétation
On peut en proposer 2 pouvant ajouter leurs effets :
1 - Des cas seraient provoqués par le vaccin au cours des 4 premières années, ce qui augmenterait la moyenne pendant les 4 années qui suivent la vaccination;
2- des cas non enregistrés au delà des 4 premières années en raison des limites de la fenêtre d'observation -l'âge de 16 ans et l'année 2003- ce qui créerait un déficit de cas à partir de la cinquième année et s'accentuant la sixième.
Plus précisément, ceux vaccinés en sixième, de loin les plus nombreux, avaient alors12 ans et ne disposaient donc que de 4 années pour manifester leur première ADC.
Ces observations permettent de pointer le rôle important qu'a pu jouer la décision arbitraire de limiter le suivi des cas à 16 ans et en 2003. Il est tout à fait envisageable de penser que si ce suivi avait été prolongé de 2 ou 3 ans les résultats de l'étude auraient pu être très différents.
Une autre source engendrant un déficit de cas est la condition éthique qui exige que chaque participant à l'étude ait donné son accord alors que leur participation est anonyme dans la publication. Ainsi, des 403 cas d'ADC enregistrés au départ, seuls 349 avaient donné leur accord, soit un déficit de 54 cas. Si cette disposition est satisfaisante d'un point de vue éthique elle l'est moins d'un point de vue scientifique. On va d'ailleurs en voir une conséquence avec la dispersion des témoins.
Une dispersion énorme des témoins
Les auteurs de l'étude voulaient associer 12 témoins à chaque cas, ces témoins étant du même âge, du même sexe et de la même région. Ce travail avait été confié à un institut de sondages. Pour les 143 cas retenus de SEP il fallait donc qu'il leur associe 1716 témoins. L'institut s'était presque acquitté de sa tâche avec 1705 témoins. Mais quand il fallut les contacter pour obtenir des informations sur leur statut vaccinal il y eut beaucoup de pertes : refus de participer à l'étude alors que cet accord avait été donné à l'institut, fausses coordonnées, carnet de santé perdu...Aussi il n'en est resté que 1122 soit une moyenne de 7,85 témoins par cas (8,5 pour les moins de 10 ans et 7,57 pour les 10-16 ans, l'âge étant celui de la première ADC).
Mais le plus important n'est pas là car certains cas ont perdu beaucoup plus de témoins que d'autres : il est resté 22 cas avec 11 ou 12 témoins, 81 entre 7 et 10, 34 entre 4 et 6 et 6 cas avec seulement entre 1 et 3 témoins. Cette dispersion devient problématique quand les taux de vaccination ne sont pas homogènes dans la population, ce qui était le cas avec des classes d'âges vaccinées à 75-80% et d'autres à moins de 40% voire moins de 30% pour les moins de 10 ans.
Pour l'étude 2008 sur les ADC on trouvera dans le diaporama déjà indiqué [3] un diagramme montrant la répartition tout aussi dispersée des 2941 témoins.
Pour prendre facilement et simplement conscience du problème supposons qu'on ait seulement 2 cas, 1 vacciné et 1 non vacciné. On associe 12 témoins au cas vacciné dont la classe d'âge a été vaccinée au 2/3, soit 8 témoins vaccinés et 6 témoins au cas non vacciné dont la classe d'âge a été vaccinée au tiers, soit 2 vaccinés. On aura donc 10 témoins vaccinés et 8 non vaccinés. L'odds ratio OR sera le quotient de 1/1 par 10/8 soit OR=0,8.
En échangeant les répartitions de témoins, 6 pour le cas vacciné et 12 pour le non vacciné on aura 6x2/3+12/3=8 témoins vaccinés contre 10 témoins non vaccinés. OR sera donc le quotient de 1/1 par 8/10 soit OR=1,25.
On constate qu'en échangeant le 12 et le 6 l'odds ratio passe de 0,8 à 1,25.
En pratique le mieux serait, comme le voulaient les auteurs, que chaque cas ait le même nombre de témoins. A défaut, il faudrait s'assurer que la moyenne des témoins est la même chez les fortement vaccinés et chez les faiblement vaccinés quand on peut ne distinguer que 2 groupes du point de vue de la couverture vaccinale. Il n'y a aucune garantie que cette condition était satisfaite pour l'étude car les auteurs ne mentionnent rien à ce sujet. Compte tenu de l'énorme dispersion des témoins, sa réalisation est très peu probable.
Mais alors, que faire ?
Confrontés à cette difficulté que pouvaient faire les auteurs ? Devaient-ils renoncer à poursuivre l'étude alors qu'il avait fallu payer l'institut de sondage ou devaient-ils faire rechercher de nouveaux témoins pour compléter car, contrairement au football, il n'était pas prévu de remplaçants. Ils avaient 2 possibilités à leur disposition :
1- Tirage au sort sur les témoins
Par tirage au sort ils pouvaient réduire par exemple à au plus 6 le nombre de témoins associés. Solution douloureuse qui aurait demandé de sacrifier plus de 300 témoins alors qu'il avait fallu arracher leur participation à beaucoup d'entre-eux après de multiples relances infructueuses comme l'exposent les auteurs. Mais l'étude aurait été plus fiable.
Notons que pour étudier le fameux groupe significatif les auteurs avaient d'abord étudié celui des observants au calendrier vaccinal pour la SEP. Le nombre moyen de témoins par cas était 4,82 : 347 témoins pour 72 cas de SEP dont 45 vaccinés hépatite B. On constate sur ce groupe que la réduction de la dispersion est associée à une augmentation de l'odds ratio (OR=1,26 avec la probabilité test de 17,9% contre OR=1 avec la probabilité 33,2% pour l'ensemble du groupe SEP). C'est de ce groupe qu'à été extrait le sous-groupe significatif qui a déclenché toute l'affaire de septembre-octobre 2008. Ce n'est peut-être pas le hasard...
2- Dissocier les fortement vaccinés des autres
Il était possible de former plusieurs groupes homogènes du point de vue de la couverture vaccinale. Par exemple le groupe des fortement vaccinés et celui des faiblement vaccinés. On obtient alors 2 odds ratio OR' et OR'' dont les logarithmes suivent des lois normales de moyenne 0 et dont on sait estimer les variances. Leur produit OR'xOR'' suivra aussi une loi log-normale c'est à dire que son logarithme suivra une loi normale de moyenne 0 et dont la variance sera la somme des variances associées à OR' et OR''. Il devient alors possible de tester dans de meilleures conditions sans avoir à sacrifier des témoins et donc perdre de la puissance statistique.
Une épidémiologie médiatique
Mais les épidémiologistes ne voudront jamais procéder ainsi parce qu'ils perdraient l'interprétation de l'odd ratio par le risque relatif. Or cela fait la fortune de l'épidémiologie : tous les jours on nous annonce une étude qui nous dit que si on fait ceci on aura 2 fois plus de risque pour qu'il nous arrive cela. Tout le monde comprend ou croit comprendre car si le risque absolu est 1 sur 1 milliard et qu'il passe à 1 sur 500 millions cela ne changera pas grand chose alors que 2 fois plus de risque, c'est très parlant. Les médias adorent et le public aussi. On en redemande...
Mais si le risque relatif est 2 pour les hommes et 3 pour les femmes il ne passera pas à 6 en les regroupant. Tester ainsi serait plus fiable mais cesserait d'être médiatique, alors tant pis ! Entre le médiatique et le fiable l'épidémiologie a fait son choix.
Le jour d'une élection présidentielle les instituts de sondage jouent très gros : imaginez qu'à 20 heures, alors que les bureaux de votes des grandes villes viennent juste de fermer, ils annoncent Ségolène présidente puis qu'aux 12 coups de minuit il faille se rendre à l'évidence, c'est Sarkozy. Imaginez le fiasco ! Adieu veaux, vaches, cochons, couvées...les instituts vont devoir se faire oublier ou fermer boutique.
Mais les 12 coups de minuit ne sonnent jamais pour l'épidémiologie, aussi les épidémiologistes peuvent faire et dire n'importe quoi, le public n'aura jamais la preuve de leurs erreurs. Jamais ? Du moins le pensaient-ils et cette facilité leur a donné de très mauvaises habitudes. Puis la pandémie est arrivée avec son cortège d'annonces menaçantes et de mesures contraignantes. Vous allez voir ce que vous allez voir annonçaient-ils. On a vu, le public a vu, a vu que la réalité qu'il a vécu n'avait rien à voir avec leurs prévisions.
Les épidémiologistes réclamaient alors le droit à l'erreur. Mais leurs erreurs résultent d'abord de mauvaises méthodes appliquées depuis longtemps et qu'ils n'envisagent pas de changer. Ont-ils conscience de leurs erreurs méthodologiques fondamentales, ce n'est pas certain du tout.
Répartition des cas de sclérose en plaques chez les vaccinés
Voici la répartition des cas de SEP chez les vaccinés contre l'hépatite B en fonction du vaccin et du délai (au plus 3 ans ou au delà de 3 ans) puis restreinte à ceux qui étaient observants au calendrier vaccinal.
SEP |
Au plus 3 ans |
> 3 ans |
SEP observants (non observants) |
Au plus 3 ans |
> 3 ans |
Total |
46 |
34 |
Total |
20 (26) |
25 (9) |
Engerix |
25 |
25 |
Engerix |
11 (14) |
19 (7) |
Genhevac |
15 |
7 |
Genhevac |
6 (9) |
5 (2) |
Autres |
6 |
2 |
Autres |
3 (3) |
1 (1) |
La ligne Autres correspond aux autres vaccins utilisés comme l'HBVax.
Constats
1- La restriction aux observants au calendrier vaccinal se traduit par une réduction sensiblement plus importante des cas pour le délai au plus 3 ans (20/46=43,48%) que pour le délai au delà de 3 ans (25/34=73,5%). Le test de comparaison de 2 lois binomiales est même très significatif : probabilité 0,37% d'avoir un écart au moins aussi grand que celui observé.
2- Cette réduction est encore marquée avec Engerix : 11/25=44% contre 19/25=76%. La probabilité d'obtenir un écart au moins aussi grand est 1,05% qui reste largement significative. Si les pourcentages sont comparables la probabilité est plus élevée qu'avec le total des données en raison d'effectifs moins nombreux.
3- Ces pourcentages se confirment avec Genhevac : 6/15=40% contre 5/7=71,4%. L'écart n'est plus significatif (probabilité 8,5%) car les effectifs sont trop faibles.
On pourrait traduire ces observations ainsi :
quand un enfant était observant au calendrier vaccinal, le délai d'apparition de la première atteinte démyélinisante précédant la SEP était plus souvent plus long que pour ceux qui ne l'étaient pas.
Mais comment expliquer cela ?
Les enfants observants au calendrier vaccinal devaient avoir reçu 1 BCG, 4 DTP et 1 ROR avant l'âge de 2 ans. A l'époque, les enfants vaccinés au collège en sixième entre octobre 1994 et juin 1998 ou plus âgés étaient sans doute peu nombreux à avoir reçu une dose de ROR avant l'âge de 2 ans (il fut introduit en France en 1983).
En conséquence, ce critère a sans doute sélectionné une majorité des cas apparus chez des enfants vaccinés très jeunes en cabinet médical ou par les PMI ou au collège en sixième plutôt que des enfants plus âgés qu'eux.
Comme il n'est pas déraisonnable de penser que la SEP est plus longue à pousser chez un enfant de 3 ou 5 ans que chez un enfant de 14 ans on pourrait alors trouver une explication à ces observations. Ce serait vérifiable sur les données de l'étude en recherchant l'âge de la vaccination des cas et non pas l'âge auxquel la maladie est apparue, seule donnée prise en compte par la publication.
Répartition des cas d'ADC simples
Voici le tableau analogue pour les ADC simples c'est à dire celles qui ne sont pas devenu des scléroses en plaques dans la fenêtre d'observation :
ADC non SEP |
Au plus 3 ans |
> 3 ans |
ADC non SEP observants |
Au plus 3 ans (non observants) |
> 3 ans (non observants) |
Total |
39 |
35 |
Total |
18 (21) |
22 (13) |
Engerix |
20 |
14 |
Engerix |
9 (11) |
12 (2) |
Genhevac |
9 |
16 |
Genhevac |
4 (5) |
7 (9) |
Autres |
10 |
5 |
Autres |
5 (5) |
1* (4) |
* La somme 12+7+1 fait 20 et non 22. Cela vient d'une incohérence du tableau 3 de la publication 2008. Il faudrait remplacer 1 par 3 mais c'est sans conséquences ici.
Constats
1- Sur le total des cas on constate une différence non négligeable sur les délais : 18/39=46,2% contre 22/35=62,9%.
2- Les écarts sont plus importants encore avec Engerix : 9/20=45% contre 12/14=85,7% avec une probabilité de 0,81% clairement significative.
3- Pas d'écart avec Genhevac : 4/9=44,5% contre 7/16=43,8%.
Pour Engerix on pourrait proposer la même interprétation que pour la SEP : le ROR et la condition "au delà de 3 ans" ayant sélectionné des enfants jeunes une ADC même simple mettrait plus longtemps pour apparaître.
Pour Genhevac le résultat peut paraître en contradiction avec celui qui indiquait davantage d'ADC non SEP avec ce vaccin pour le délai au delà de 3 ans avec l'interprétation que je proposais : l'ADC non SEP n'aurait pas eu le temps de se transformer en SEP en raison d'un délai plus court laissé par la fenêtre d'observation pour Genhevac que pour Engerix, le Genhevac dans les collèges ayant sans doute été utilisé plus tardivement qu'Engerix. Mais cela se rapportait aux enfants vaccinés au collège en sixième ou après et qui étaient sans doute plus rarement observants au calendrier en raison du ROR ou exclus par la condition "au delà de 3 ans". De plus les effectifs sont très faibles pour Genhevac.
Il faudrait là aussi pouvoir vérifier les âges de la vaccination hépatite B pour ces cas. En effet, si la vaccination avec Genhevac dans les collèges a commencé plus tardivement qu'avec Engerix, la vaccination ROR qui débutait en 1983 avait pu se mettre suffisamment en place et se faire accepter pour qu'il y ait davantage de vaccinés avant l'âge de 2 ans pour ceux entrant en sixième en octobre 1996 ou 1997 que pour ceux y entrant en octobre 1994 ou 1995.
Il faut aussi noter que la comparaison n'est pas de même nature : ici on compare selon le délai parmi les cas vaccinés contre l'hépatite B alors que l'autre comparaison portait sur les odds ratio c'est à dire entre vaccinés et non vaccinés parmi les cas et leurs témoins.
Par différence des données (entre les tableau 3 et 4 de la publication) on peut obtenir les 4 données relatives aux ADC simples chez les "observants au calendrier vaccinal" :
163-72=91 cas dont 85-45=40 cas vaccinés;
892-347=545 témoins dont 457-194=263 vaccinés.
L'odds ratio (formule théorique) vaut 0,84 et la probabilité test 77,63%.
Pour les SEP chez les "observants au calendrier" les auteurs donnent un odds ratio ajusté de 1,35 pour lequel la probabilité test vaut 17,69%. Avec la formule théorique j'obtiens 1,31 pour une probabilité test de 15,23%.
Pour les ADC chez les "observants" les auteurs donnent un odds ratio ajusté de 1,03 pour lequel la probabilité test vaut 44,01%. Avec la formule théorique j'obtiens 1,037 pour une probabilité test 41,5%.
Même non significatif, ce résultat sur les ADC simples confirme l'existence d'un déficit d'ADC simples chez les vaccinés, indice d'une conversion de certaines en SEP.
Quoi qu'il en soit, on voit qu'il n'est sans doute pas satisfaisant de traiter ensemble les classes d'âge vaccinées en masse en même temps dans les collèges (ou cabinets médicaux pour une partie) et les classes d'âges plus jeunes ou plus âgés et qui ont été moins vaccinées, ce que les auteurs de l'étude n'ont à aucun moment envisagé dans leurs publications.
Vers la démocratie sanitaire, mais laquelle ?
Que mon hypothèse sur la sclérose en plaques des enfants soit vraie ou fausse, démontrable ou pas n'est peut-être pas l'essentiel ici. Ce qui apparaît à travers les constats que je présente c'est la carence de nos épidémiologistes et de nos Comités officiels d'experts, le CTV, le HCSP, l'Académie de médecine et le Comité ad hoc de l'OMS qui s'étaient alignés sans discussions sur l'avis de notre Commission nationale de pharmacovigilance qui avait tiré la première.
La démocratie sanitaire pourrait se définir moins par la parole qui serait donnée à tous que par l'accès aux données afin de pouvoir travailler directement sur elles plutôt qu'à partir des affirmations des auteurs et des jugements définitifs des Comités. Plus généralement, la démocratie sanitaire serait que toutes les questions puissent être mises sur la table qui devra alors être en chêne massif pour tout supporter.
Au lieu de cela on a des Comité d'experts qui font la pluie et le beau temps à leur guise en étalant un agglomérat d'erreurs techniques et d'orientations préférentielles qui sont à un niveau tel qu'ils n'auront pas d'autres solutions que de verrouiller.
Faudra-t-il prendre les fourches pour libérer les données enfermées dans les coffres de la Bastille ?
Annexe
Mais le groupe ''vacciné Engerix'' c'est quoi ? Pas si simple !
Une question importante se pose : comment sont constitués les sous-groupes ''vacciné Engerix '' et ''vacciné Genhevac'' ? La question pourrait paraître saugrenue mais ce n'est pas si simple car ces sous-groupes contiennent aussi des cas non vaccinés, sinon d'ailleurs il serait impossible de calculer les odds ratio. On peut même vérifier que les 63 cas non vaccinés de l'étude 2007 sur la SEP ont été répartis une fois et une seule (pas de doublons) sur les 3 groupes Engerix, Genhevac et ''autres vaccins''. Voici les données publiées par les auteurs (tableau 3 de la publication) :
|
Cas vaccinés |
Témoins vaccinés |
OR ajusté |
Engerix |
50 |
301 |
1,38 |
Genhevac |
22 |
232 |
0,75 |
Autres |
8 |
76 |
0,93 |
Total |
80 |
609 |
|
Or on sait que 609 est le nombre global de témoins vaccinés parmi les 1122 témoins associés aux 143 cas. En conséquence, les 301, 232 et 76 témoins vaccinés pour chacun de ces groupes ne peuvent correspondre aux témoins vaccinés associés seulement aux 50, 22 et 8 cas vaccinés mais aux 50+u, 22+v et 8+w cas dans chacun des 3 sous-groupes, u, v et w étant les nombres de cas non vaccinés dans chacun d'eux. Il faut donc que u+v+w=63 pour obtenir tous les témoins vaccinés*.
* En toute rigueur la démonstration de cela suppose que chaque cas a au moins un témoin vacciné ce qui n'est pas absolument certain puisqu'il existe un cas ayant un seul témoin mais cette restriction n'est certainement pas à prendre en compte ici.
Mais comment répartir ces 63 cas non vaccinés dans les 3 sous-groupes ? Je n'ai trouvé aucune indication à ce sujet. Supposons 3 enfants du même âge, 2 sont vaccinés en même temps, l'un avec Engerix et l'autre avec Genhevac, le troisième ne l'est pas. Ils font tous les 3 en même temps une première ADC transformée 3 mois plus tard en SEP. Dans quel groupe faut-il classer le non vacciné, dans le groupe Engerix ou Genhevac ? Pour moi c'est un mystère total.
On peut dire qu'il y a relativement beaucoup plus de cas non vaccinés qui ont été classés "Genhevac" car 232/22=10,55 contre 301/50=6,02. L'écart est trop important pour pouvoir s'expliquer autrement. C'est ce qui explique l'effondrement de l'odds ratio quand on passe de "Engerix" (1,38) à "Genhevac" (0,75). Mais pour interpréter il faudrait connaître le critère de répartition des cas non vaccinés entre "Engerix" et "Genhevac".
Cela laisse supposer que les enfants vaccinés par Engerix ou Genhevac étaient suffisamment caractérisés comme par exemple ceux nés en 1983 l'auraient été avec Engerix alors que ceux nés en 1986 l'auraient été avec Genhevac mais j'ai du mal à croire que ça puisse s'appliquer à tous.
A titre purement indicatif, en prenant 609/143 comme nombre moyen de témoins vaccinés par cas on obtient 71 cas associés aux 301 témoins vaccinés, 54 aux 232 témoins et 18 pour 76, soit u=21, v=32 et w=10. En modifiant un peu ces valeurs moyennes j'ai cherché à retrouver à peu près les OR obtenus en sachant que je les calcule par la formule théorique et non par ajustement logistique ce qui peut faire des différences. Voici des valeurs qui paraissent possibles :
|
Cas non vaccinés |
Témoins (moy/cas) |
OR ; test |
OR publié; test |
"Engerix" |
24 |
508 (6,86) |
1,43; 8,79% |
1,38; 9,4% |
"Genhevac" |
29 |
451 (8,84) |
0,72; 86,5% |
0,73; 81,5% |
"Autres vaccins" |
10 |
163 (9) |
0,92; 55,77% |
0,91; 56,9% |
Total |
63 |
1122 (7,85) |
1,07; 35,32% |
1,10; 33,18% |
En noir les valeurs imposées par les auteurs, en bleu et italique les valeurs choisies et en brun les valeurs déduites par mes calculs.
Constat
Sur cette simulation on constate que la moyenne des témoins par cas est beaucoup plus faible dans le groupe "Engerix"(6,86) que pour les 2 autres (8,84 et 9). Est-ce indispensable ? Voici des calculs qui montrent que c'est très vraisemblable.
Comment encadrer les valeurs moyennes des témoins
Désignons par X le nombre de témoins non vaccinés associés au groupe ''Engerix''. L'odds ratio théorique sera 50X/301u=1,38 soit X=8,31u. Le nombre moyen m de témoins par cas dans ce groupe sera m=(301+X)/(50+u) qui donne 50m+mu=301+X=301+8,31u soit en définitive :
u=(50m-301)/(8,31-m)
Comme u doit être positif il faut 301/50 < m < 8,31 soit
6,02 < m < 8,31
En fait, la formule est : m compris entre ''témoins vaccinés''/''cas vaccinés'' et ce nombre multiplié par l'odds ratio. Si l'odds ratio est inférieur à 1 ce dernier nombre sera le plus petit.
On obtient alors aussitôt les résultats pour les moyennes m' et m'' des nombres de témoins par cas pour les groupes "Genhevac" et ''Autres'' :
7,7 < m '< 10,55 8,65 < m'' < 9,5
On en déduira v=(232-22m')/(m'-7,7) et w=(76-8m'')/(m''-8,65)
On peut cependant tolérer de légères variations pour les encadrements de m, m' et m'' car l'odds ratio calculé par la formule théorique peut être un peu différent de celui calculé par les auteurs. Pour ces calculs j'ai choisi l'odds ratio qu'ils ont obtenu par une régression logistique brute (non conditionnelle) qui a toute chance d'être plus proche de celui que je calcule directement.
Avec OR supérieur à 1, u sera une fonction croissante de m entre 0 et l'infini alors que u ne peut au plus varier ici qu'entre 1 et 61 car v et w sont eux aussi au moins égaux à 1. On a vu que m s'exprime en fonction de u. Sa valeur maximale sera obtenue pour u=61 soit m=(301+8,31x61)/(50+61)=7,279. Sa valeur minimale pour u=1 sera (301+8,31)/(50+1)=6,06.
De même pour m' mais comme OR' est inférieur à 1, v sera fonction décroissante de m'. La valeur minimale de m' sera obtenue pour v=61 : (232+232/22x0,73x61)/(22+61)=8,45 alors que la valeur maximale sera
232x(1+0,73x1/22)/22+1)=10,42.
Ce qui est intéressant c'est de comparer la valeur maximale de m avec la valeur minimale de m'. Comme 7,279 largement inférieur à 8,45 on voit que m sera largement inférieur à m'. De plus, comme on ne pourra avoir simultanément u=61 et v=61 mais la somme u+v au plus égale à 62, que m sera d'autant plus grand que u le sera et que m' sera d'autant plus petit que v sera grand on voit qu'on devrait avoir à coup sûr m très largement inférieur à m'. A titre indicatif, avec u=v=30 on a m=6,89 et m'=8,90.
De même avec m" qui ne devrait pas être inférieur à 9 car le nombre de cas non vaccinés ne peut pas être très élevé et le minimum pour m" est obtenu quand ce nombre est grand, l'ods ratio étant inférieur à 1. Pour w=10 on obtient m"=9,03.
Constats
On peut être pratiquement certain que m devrait être largement inférieur à m' et m''. On pourrait même se risquer à préciser m inférieur à 7, m' supérieur à 8,5 et m" à 9.
La première simulation que j'ai proposée dans le tableau correspond à cela. Elle avait été réalisée de façon empirique avant d'avoir trouvé ces localisations. Je n'ai pas jugé utile de la modifier. Pour u=24 et v=29 on aura m=6,76 et m'=8,93. L'intersection du groupe Engerix et du groupe des enfants qui étaient en classe de sixième au moment de la grande campagne de vaccination (septembre 1994 - juin 1998) constitue l'ossature de chacun de ces 2 groupes.
Qu'en conclure ?
On a une indication très forte que pour les enfants et adolescents du groupe ''Engerix'' les défections de témoins auraient été nettement plus importantes que pour les 2 autres groupes. Pourrait-il exister une raison particulière à cela ? On peut penser à la vaccination dans les collèges qui s'est d'abord faite avec Engerix exclusivement puisque SKB (devenu GSK) avait emporté le marché en 1994. Il est possible que les carnets de vaccination des collégiens n'aient pas toujours été remplis alors que l'enfant pouvait affirmer qu'il avait été vacciné. On sait qu'un certain nombre de témoins ont été exclus pour le motif d'incertitude sur le statut vaccinal.
Comme c'était Engerix qui avait dominé la vaccination dans les collèges cela a pu affecter davantage les témoins vaccinés avec Engerix plutôt qu'avec les autres vaccins. L'élimination de témoins vaccinés contribue à augmenter l'odds ratio.
Le vaccin HBVax qui fait partie du groupe ''Autres'' a aussi été utilisé dans les collèges où il a provoqué des incidents en raison d'une formule trop dosée. Mais ce fut plus tard dans la campagne, à un moment où la machine administrative était peut-être mieux rodée. De même pour Genhevac.
[1] http://archpedi.ama-assn.org/cgi/content/full/161/12/1176
[2] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18843097
[3] Voici un lien vers un diaporama qui commente (sans aucun esprit critique) l'étude 2008 :
http://dpt-medecine-generale.medecine.univ-paris5.fr/IMG/pdf/tude_Mikaeloff_SEP_vacHBV.pdf