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La Question des Vaccins
17 janvier 2009

Bientôt un nouveau vaccin contre la polio ?

 

En fait il s'agira seulement d'une nouvelle combinaison de vaccins : en combinant les types 1 et 3 ce vaccin sera bivalent. Mais quelles sont les raisons de ce nouveau vaccin et que peut-on en espérer ? C'est l'objectif de cet article.

 

Une chose est certaine, l'éradication de la polio s'avère beaucoup plus difficile qu'il n'avait été prévu à l'origine, chaque année de nouvelles difficultés apparaissent et ce n'est pas fini.

 

Pendant longtemps les campagnes contre la polio on été menées avec le vaccin polio oral trivalent à virus vivants, le VPOt, contre les virus polio de type 1, 2 et 3. Devant les difficultés de l'éradication, l'OMS a obtenu des laboratoires qu'ils produisent des vaccins monovalents de type 1 et 3, les VPOm1 et VPOm3. Le virus de type  2 ayant disparu à l'état sauvage depuis octobre 1999, le monovalent de type 2 n'a pas été envisagé. Ces vaccins monovalents ont été jugés beaucoup plus efficaces que le trivalent et l'OMS se félicite de leur usage et l'encourage.

 

Néanmoins, en raison de la persistance simultanée de ces 2 virus, il y a nécessité d'utiliser des vaccins contre les types 1 et 3 sur les mêmes populations. C'est pourquoi l'OMS encourage aussi le recours au trivalent pour une vaccination simultanée. Mais le maintien du type 2 dans le vaccin a eu des conséquences négatives : des cas de polio provoqués par des poliovirus de type 2 dérivés d'une souche vaccinale. Le Nigeria par exemple a eu 68 cas de ce type en 2007 et 55 en 2008.

 

Aussi, l'idée d'un vaccin bivalent contre les types 1 et 3 fait son chemin et on devrait en savoir plus en mars 2009.

 

Le REH n°3 du 16 janvier 2009 fait état des réflexions menées sur le sujet les 18 et 19 novembre 2008 par le Comité consultatif mondial sur l'éradication de la polio :

 

«Le Comité s’est penché précédemment sur le rôle que pourrait jouer un VPO bivalent (contenant du poliovirus Sabin de type 1 et de type 3), étant donné que des poliovirus sauvages de type 1 et de type 3 circulent en même temps dans certaines zones infectées.

 

Cependant, pour offrir un réel avantage programmatique, un VPO bivalent devrait pouvoir obtenir pour chaque sérotype une séroconversion par dose semblable à celle que permet d’obtenir le VPOm correspondant.»

Autrement dit, il faudra que le vaccin bivalent ait la même efficacité que les monovalents. Cette restriction confirme bien que l'OMS sait que les combinaisons de vaccins ont tendance à réduire l'efficacité de chaque composante par rapport à leur utilisation individuelle.

 

«L’état d’avancement d’un essai clinique du VPO bivalent a été examiné, de même que son cadre d’utilisation proposé, qui dépendra des résultats de l’essai. Le Comité réalise que le rôle potentiel du VPO bivalent variera en fonction de la situation épidémiologique et des résultats de l’essai clinique; ceux-ci sont attendus pour la fin mars 2009.

 

Pour aider les fabricants de VPO à prendre des décisions concernant la mise au point et l’homologation d’autres VPO bivalents, l’OMS et l’UNICEF doivent produire et échanger rapidement des scénarios potentiels de demande en VPO  bivalent basés sur les principaux résultats de l’essai clinique; l’OMS devra fixer et faire connaître la voie réglementaire choisie pour les VPO bivalents. »

 

Le Comité formule déjà d'importantes restrictions à l'utilisation de ce VPO bivalent :

 

Le Comité doit être consulté rapidement afin d’examiner les résultats de l’essai du VPO bivalent et d’évaluer le rôle potentiel de ce vaccin.

 

1- On sait déjà que le VPO bivalent ne remplacera pas le VPOt pour le maintien de l’immunité de la population dans les zones exemptes de poliomyélite.

2- On sait également que le principal rôle que pourrait jouer le VPO bivalent concernerait les zones où circulent conjointement les poliovirus sauvages de type 1 et de type 3 et où l’administration sous-optimale du VPO constitue le principal problème rencontré.

3- Le Comité ne prévoit pas que le VPO bivalent puisse avoir un rôle important dans les zones où l’efficacité du VPO est sous-optimal.»

 

A confronter ces restrictions on se demande quelle pourrait être la place de ce vaccin bivalent. On pouvait penser que sa première fonction serait d'éviter de réintroduire des poliovirus de type 2. Or la première restriction écarte cela, ce qui est un peu incompréhensible quand on sait que l'OMS prévoit d'arrêter l'usage du vaccin vivant dès que les virus sauvages auront cessé de circuler afin d'éviter de les maintenir sous forme vaccinale. Pourquoi n'applique-t-elle pas les principes qu'elle a elle-même définis au virus de type 2 dont elle aurait pu proclamer l'éradication ?

 

Efficacité sous-optimale du VPO dans le nord de l’Inde

 

Et justement  il existe, selon le Comité, une efficacité sous-optimale du VPO dans le nord de l'Inde à laquelle elle entend remédier.

 

« A l’heure actuelle, le Comité estime que le nord de l’Inde, et en particulier les zones situées dans l’ouest de l’Uttar Pradesh, est le seul endroit au monde où l’efficacité sous-optimale du VPO constitue le principal facteur limitant rencontré par les efforts d’éradication. La préoccupation principale soulevée par cette efficacité sous-optimale est que l’immunité contre le poliovirus  sauvage de type 1 n’est peut-être pas suffisante. »

Il ne s'agit pas d'un taux de vaccination insuffisant car le Comité reconnaît clairement que ce serait le vaccin qui serait insuffisamment efficace :

« l’efficacité sous-optimale du VPO dans des zones clés du nord de l’Inde où, en dépit de la mise en œuvre de nombreuses campagnes ayant permis d’atteindre une couverture vaccinale élevée, la transmission du poliovirus sauvage de type 1 n’a toujours pas été complètement interrompue »


Aussi, il envisage un vaccin plus actif et monovalent :

 

« Le programme d’éradication a pris un certain nombre de mesures pour s’attaquer au problème de l’efficacité sous-optimale du VPO dans le nord de l’Inde, notamment

 

1- en introduisant des VPOm,

2- en effectuant de nombreuses tournées rapprochées de vaccination par ce vaccin afin d’obtenir rapidement une immunité de la population des très jeunes enfants

3- en effectuant des essais cliniques afin d’évaluer un VPOm1 ayant une activité renforcée. »

 

Il avait même été décidé de laisser filer provisoirement le virus de type 3 :

 

«La priorité des priorités doit être d’interrompre la transmission du poliovirus sauvage de type 1 dans l’ouest de l’Uttar Pradesh et le centre du Bihar. La probabilité de survenue d’autres flambées importantes dues au poliovirus sauvage de type 3 dans le futur immédiat est faible. »

 

Ces paroles rassurantes permettaient de justifier la stratégie choisie : privilégier l'élimination du type 1 par des monovalents tout en estimant prendre peu de risque quant à la réactivation du type 3. L'OMS affirmait en effet, au début de l'année 2008,  vouloir d'abord éliminer le type 1 pour s'attaquer ensuite au type 3 en pensant que celui-ci allait laisser quelques répits. Elle le considérait en effet comme moins redoutable que le type 1. Mais, aux dernières nouvelles il y a eu en Inde en 2008 au moins 68 cas de type 1 et 480 de type 3...La situation est inversée au Nigeria avec au moins 714 cas de type 1 et 68 de type 3.

Une fois de plus, les experts se sont trompés. Une fois de plus, ils sont démentis par les faits et c'est sans doute cela qui les conduit à envisager désormais un vaccin bivalent. S'ils pensaient que l'éradication était rapidement réalisable ils n'envisageraient certainement pas de recourir à un nouveau vaccin avec toutes les investigations que cela demande.

 

De savants mélanges de vaccins sur le terrain

 

« Le bon mélange de VPOm1, VPOm3 et VPOt pour les activités de vaccination supplémentaire a été examiné à l’aide d’un exemple provenant du programme pakistanais. Tout en reconnaissant que le mélange optimal de vaccins peut être difficile à prévoir, le Comité reste convaincu que les VPOm contre les types 1 et 3 offrent des avantages non négligeables lorsque l’on cherche à accroître rapidement l’immunité d’une population.

Il sera essentiel de déterminer comment utiliser ces vaccins avec le VPOt pour interrompre la transmission des poliovirus sauvages restants. D’après les expériences des divers programmes, il est possible pour les organismes consultatifs nationaux de recommander systématiquement le ou les vaccins à utiliser. »

 

Mais existe-t-il un "bon" mélange ? Quand comprendront-ils que l'essentiel n'est pas le virus mais sa circulation et que la route qu'il emprunte est celle de l'eau souillée par des excréments humains contaminés. Route que les virus vaccinaux empruntent également, leur permettant de redevenir virulent en se recombinant avec d'autres virus. Nul ne sait l'issue de ce phénomène. La seule vraie solution sera dans le traitement des eaux usées. Loin de moi l'idée de dire "yaka"  car ce ne sera pas un problème facile à résoudre. Le vaccin permettra-t-il d'éradiquer la polio sans avoir à s'attaquer à cet énorme problème ?

 

L'avenir le dira mais rien n'est assuré. Quand les contaminations sont à la fois trop fréquentes, trop massives et répétées le vaccin est débordé quoi qu'on fasse. C'est sans doute là l'origine de cette efficacité sous-optimale comme ils disent. Faut-il s'en étonner ?

 

 

Des modèles mathématiques

Le Comité poursuit :

« Il convient d’élaborer des modèles mathématiques de l’immunité des populations et de les réexaminer chaque trimestre pour le Nigeria, le Pakistan, l’Afghanistan et l’Inde ; ils doivent être basés sur l’état vaccinal des cas de PFA non poliomyélitique et sur l’efficacité par dose estimée de chacun des vaccins.

 

Le Comité a examiné des études cas-témoins relatives à l’efficacité par dose des VPOm et des VPOt. Ces données se sont avérées bien corrélées à la situation épidémiologique. En Inde, ce type de travail a également été utilisé pour éclairer les recommandations relatives aux activités de vaccination supplémentaire et aux vaccins de choix; au Nigeria, on l’a employé pour évaluer les effets de l’introduction du VPOm1. Si l’interprétation de la modélisation mathématique exige de la prudence, celle-ci est plus utile lorsqu’elle est employée pour éclairer la prise de décision dans  les programmes nationaux. »

 

Voici l'évolution de 2000 à 2008 du nombre de cas de polio en Inde et du nombre de cas de type 1 et 3 dans le monde. On ne peut que constater l'évolution très irrégulières des chiffres, ce qui souligne l'impossibilité de prévoir la suite des événements à partir de ces données globales.

 

Année

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Inde

265

268

1600

225

134

66

676

874

551

type 1  mondial

   ?

349

1744

555

1045

1716

1666

321

965

type 3  mondial

   ?

134

174

229

210

263

331

994

660

 

Comme la polio en Inde n'entretient aucun lien avec celle du Nigeria on peut  constater  que le Nigeria n'est pas le seul responsable du retard du programme d'éradication : même si les états du nord du Nigeria avait accepté en 2003-2004 les campagnes de vaccination de l'Unicef il n'y aurait pas eu un seul cas de moins en Inde par la suite.

 

Vendre la peau de l'ours

 

On pourrait aussi s'étonner que l'OMS ait pu annoncer avec insistance jusqu'à la fin 2002 que la polio pouvait être éliminée en janvier 2003 alors qu'il y a eu 1600 cas en Inde en 2002. Elle avançait à l'époque que cela était possible si tant de millions de dollars étaient immédiatement rassemblés et que si ce n'était pas le cas, l'élimination serait repoussée à Pâques 2003 et coûterait beaucoup plus cher... 

Croyant anticiper sur un événement  imminent et promis à une grosse couverture médiatique, plusieurs éditeurs et auteurs avaient publié fin 2002  des ouvrages vite périmés sur l'éradication de la polio...Début 2003 l'OMS dû se résoudre à annoncer la vérité : une énorme épidémie de polio en Inde, présentée comme soudaine et imprévisible alors que les cas s'étaient produits en 2002...

Il était cependant possible de se douter, fin 2002, que l'OMS ne disait pas tout : en analysant de près les déclarations qu'elle multipliait à l'époque j'avais pu écrire un article intitulé "Polio, il ne faut pas vendre la peau de l'ours..."  Il avait été publié  par des revues.

Fin 2005, enregistrant avec satisfaction les 66 cas en Inde, l'OMS pensait que l'Inde allait éliminer la polio courant 2006 et qu'en raison de l'année d'interruption de vaccination  il faudrait une année supplémentaire au Nigeria pour y parvenir. Mais la réalité a vite rattrapé les pronostics : 676 cas en 2006, 874 en 2007, au moins 551 en 2008.

Ces erreurs de pronostics révèlent que les experts de l'OMS ne sont pas encore parvenu à mettre le doigt sur la véritable nature des problèmes et des causes qui régissent réellement l'évolution des épidémies. Parviendront-ils à vaincre malgré tout la maladie sans les avoir vraiment compris ?  Nous verrons bien.

"Entre-nous" :

Heureusement que ce ne sont pas les experts de l'OMS qui ont en charge de poser sur un fleuve un avion bourré de passagers. Là, aucune erreur technique n'est autorisée et le pilote joue aussi sa vie...

 

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