L’OMS dresse le bilan de l’élimination de la polio
Dans le REH n°19 du 9 mai 2008
l’OMS dresse le bilan du programme d’éradication de la polio pour la période
2007-avril 2008. Compte tenu de l’augmentation très importante du nombre de cas
en Inde, ce bilan ne peut être que très mitigé. L’OMS doit cependant entretenir
le moral des bénévoles, la confiance des Etats et la générosité des donateurs.
Alors elle jongle comme elle peut avec les chiffres pour trouver des notes
optimistes malgré une situation des plus inquiétante.
Le
bilan brut
Pour l’Inde où la polio est concentrée au nord, dans les
états du Bihar et de l’Uttar Pradesh, il y a eu 67 cas en 2005, 676 cas en
2006, 870 cas en 2007 (872 au dernier bilan du 13 mai 2008) et déjà 216 cas en 2008 alors qu’il n’y en avait eu que
44 en 2007 à la même date. A première vue la situation n’est guère
encourageante, c’est le moins qu’on puisse dire !
Pour les derniers
bilans on peut consulter http://www.polioeradication.org
La situation au
Nigeria pourrait paraître plus favorable avec une diminution importante en 2007
(285 cas) par rapport à 2006 (1122 cas) mais avec cependant déjà 137 cas pour
les 4 premiers mois de 2008 contre 68 en 2007.
L’OMS distingue cependant entre les différents types de virus
polio pour se redonner espoir et courage : il y a eu en Inde une très
forte réduction du nombre de cas provoqués par le type 1 en Inde et elle
attribue ce succès à l’utilisation du vaccin monovalent oral VPOm1 (Vaccin
Polio Oral monovalent de type 1) à la place du vaccin trivalent VPOt contre les
types 1, 2 et 3. Malheureusement cette réduction a été accompagnée par une
flambée considérable du poliovirus de type 3. Comme le type 2 semble avoir été
éliminé de la planète elle s’appuie sur ce résultat pour tenter d’éliminer
maintenant le type 1 avec un vaccin monovalent puis s’attaquer ensuite au type
3 avec le VPOm3. Malheureusement, c’est la situation inverse au Nigeria où le
type 3 s’efface au profit du type 1 ! Pas de chance !
Globalement l’OMS se satisfait de voir que le nombre de cas
est passé de 1997 en 2006 à 1310 en 2007 (1312 au bilan du13/05/08) et de voir que le nombre de cas liés
au type 1 est passé de 1666 cas en 2006 à 321 en 2007. Mais à l’inverse elle
est obligée de reconnaître qu’il y a eu 989 cas de type 3 en 2007 contre 331 en
2006.
La
machine infernale
Le casse-tête continue et même si les 3 virus sauvages de
types 1, 2 et 3 venaient à disparaître, et pourquoi pas s’en réjouir, l’OMS
sera alors confrontée aux poliovirus dérivés de souches vaccinales, les PVDV,
qui peuvent circuler à bas bruit pendant 10 ans comme cela a déjà été observé
pour déclencher soudain des épidémies de polio aussi graves qu’avec les virus
sauvages. Les PVDV sont entretenus par la vaccination orale qui sera supprimée
dès que les virus sauvages auront disparus. Mais si une épidémie de PVDV
surgissait il est prévu d’utiliser à nouveau des vaccins oraux qui sont
efficaces contre les PVDV mais dont l’inconvénient est de mettre en circulation
des virus vaccinaux susceptibles d’évoluer par la suite en virus dangereux.
Personne ne sait à l’heure actuelle s’il sera possible d’arrêter un jour la
machine infernale.
A titre d’exemple, il y a eu au Nigeria 21 cas provoqués par
un PVDV de type 2 en 2006, 68 en 2007 et déjà 18 en 2008 comme on peut le vérifier sur ce
tableau récapitulatif. Cela est d’autant plus inquiétant que le virus polio
sauvage de type 2 a été observé pour la dernière fois en octobre 1999 (REH n°
13 – 2001 p 95-97) . Pourtant, force est de constater qu’après l’élimination de
ce virus, les virus dérivés du virus vaccinal de type 2 continuent de provoquer
des paralysies. Il est à prévoir qu’il en ira de même après l’élimination des
virus sauvages de types 1 et 3.
Assainissement
ou vaccination ?
Ou plutôt si, on sait comment. Tous ces virus sont des
entérovirus qui circulent chez les humains par le relais des eaux polluées par
des excréments humains. Généraliser et adapter l’assainissement, c’est à dire
le traitement des eaux usées, pourrait être la seule solution au problème.
Mais, malgré la situation très critique, l’OMS veut toujours croire que l’éradication de la polio par la vaccination
est encore possible :
« La
faisabilité technique de l’éradication de la poliomyélite a été démontrée à
plusieurs reprises par la capacité d’interrompre la transmission du PVS dans
certaines des zones les plus difficiles d’accès confrontées à des problèmes de
sécurité et disposant d’une infrastructure sanitaire limitée, comme en Somalie.
En 2007, ce fait à de nouveau été mis en évidence par les progrès substantiels
accomplis en vue d’interrompre la transmission du PVS1 en Inde.
L’effort concerté visant à interrompre la transmission du
PVS1 dans le monde se poursuivra en 2008, et l’on mettra l’accent sur
l’administration du VPOm1 au cours des AVS avec une utilisation périodique du
VPOm3 et du VPOt. L’engagement durable des gouvernements et des partenaires
internationaux ainsi que des évaluations constantes des programmes et une
adaptation à la modification de la situation seront des éléments déterminants
pour la poursuite les progrès en 2008. »
Pour l’éradication de la variole l’OMS tenait un discours
analogue avant d’être contrainte par les événements –c’est à dire de très
graves échecs- de changer de stratégie. Elle mit alors en place la recherche
active des malades et des contacts ainsi que leur isolement rigoureux. En très
peu d’années, et à sa grande surprise, elle obtint le succès. Cette stratégie
est décrite dans le rapport de la Commission mondiale d’éradication sur lequel
s’appuya l’AMS (Assemblée mondiale de la santé) pour proclamer l’éradication
mondiale de la variole le 8 mai 1980. Voir
mon article.
Cette stratégie contre la variole était spécifique à la
maladie et ne serait pas adaptable à la polio qui se propage de façon
différente. Le traitement des eaux usées afin de fournir aux populations une
eau propre à la consommation est une action non spécifique qui libérerait des
centaines de millions de personnes d’une foule de maladies, dont la polio,
qu’elle soit à virus sauvage ou d’origine vaccinale.
L’OMS relance d’ailleurs cette grave question
sur son site en publiant toute une série d’articles sur le sujet de
l’assainissement. Elle donne une liste de 25
maladies liées à l’eau mais n’y cite pas la polio, ce qui est un
comble !!! C’est pourtant l’OMS qui m’a appris* que la polio se propageait
par les eaux souillées par des excréments humains et qui, dans certains de ses
communiqués, mettait en cause l’absence d’assainissement pour expliquer les
difficultés de la lutte contre la polio…
Bien sûr on comprend aussitôt l’effet recherché qui est
gros comme une montagne : si l’assainissement se développait et permettait de
venir à bout de la polio, tout le monde croirait que ce serait le grand succès
de la seule vaccination. Je ne dis pas cela pour faire du mauvais esprit par une insinuation sur les mobiles qui
animeraient cette affaire : c’est exactement ce qui s’est produit après
l’éradication de la variole où tous les éléments non vaccinaux de la stratégie
utilisée ont été systématiquement occultés au seul profit de la vaccination
comme chacun pourra le constater à partir des éléments que j’ai rassemblé avec
le moins de parti-pris possible dans mon article déjà cité.
*Extrait de Vaccination
pratique – Départements des vaccins et produits biologiques – OMS 1999 –
page 9 »
« Comment se transmet le virus de la
polio ?
Le virus pénètre dans l’organisme par la bouche,
quand on ingère de la nourriture ou de l’eau contaminées par des matières fécales
où il est présent. Le risque de transmission est donc plus grand dans les
régions ou l’assainissement est médiocre. »