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La Question des Vaccins
5 mars 2008

Vaccin Hépatite B et SEP : peut-on y voir plus clair ?


Derniers articles sur l'affaire de la vaccination hépatite B

15 octobre 2008 : Hépatite B : défense de l'étude du professeur Tardieu

10 octobre 2008 : L'affaire de l'Engerix B : un non-événement pour notre Haut conseil de santé publique 

2octobre 2008 :

Vaccin Engerix B : le quart de la commission de pharmacovigilance ne soutient pas  ses conclusions

26 septembre 2008 Vaccin hépatite B et sclérose en plaques : il n'y a pas que les enfants



La mise en examen de 2 laboratoires à propos de la vaccination hépatite B a évidemment relancé les polémiques. Ainsi « C dans l’air », l’émission d’Yves Calvi sur la Cinq, a repris le thème et l’Académie de Médecine a publié un communiqué de presse. La polémique sur les études statistiques relatives au risque et à la fréquence d’apparition de SEP a cause du vaccin a été inévitablement relancée, tout particulièrement celle de Hernan publiée en 2004 et qui avançait un risque 3 fois plus grand. Est-il possible d’y voir enfin plus clair ?

Sur la Cinq, le vendredi 8 février 2008, s’opposaient Robert Cohen pédiatre infectiologue, correspondant du Conseil national de pédiatrie, animateur d’InfoVac face au Docteur Marc Girard expert qui se définit lui-même sur son site comme "consultant indépendant et compte, parmi ses clients, de nombreux industriels dont GlaxoSmithKline et plusieurs firmes du groupe Aventis-Sanofi" . Il a mis en ligne un site très documenté sur le sujet.

J’avais découvert Robert Cohen avec l’affaire du BCG SSI où il avait lancé les pédiatres dans la grève du BCG, contribuant à contraindre ainsi le ministère à nommer une commission chargée de mettre en place un plan tuberculose, préalable présenté comme indispensable à la suppression du BCG obligatoire et généralisé. Au cours des 2 journées de l’audition BCG il avait fait preuve d’une grande combativité en faveur de cette suppression comme on peut le constater sur le diaporama de son exposé. Mais sur l’affaire de la vaccination hépatite B il adopte une attitude bien différente qui pourrait se résumer par " le vaccin hépatite B est d’une parfaite innocuité " :

 « Moi, je n’ai aucun doute !»

Il va en effet soutenir avec insistance qu’il existe des preuves scientifiques de l’absence de risque avec ce vaccin, s’exclamant « moi je n’ai aucun doute », affirmation qu’il limitera cependant, vu sa spécialité de pédiatre, aux enfants. De tels propos peuvent être efficaces en cabinet pour persuader une mère de famille de faire vacciner son enfant mais dans un débat c’est une autre affaire. Il affirmera que sur les 12 enquêtes statistiques sur le sujet, 11 ont conclu à l’absence de risque et que la douzième, celle de Hernan, serait la plus petite. Pourtant, le 30 novembre 2007 j’avais pu entendre de vive voix un expert de l’Afssaps, Mme A. Castot, dire qu’aucune de ces études ne permettait d’écarter un risque peu fréquent d’accidents graves. Ce fut aussi la conclusion de la réunion de consensus de novembre 2004 présidée par le professeur Marc Brodin. Tous adoptent la célèbre formule : en l’état actuel des études aucune preuve de cause à effet ne peut être établie, évitant ainsi de trop se compromettre pour l’avenir et sachant qu’en pratique cela se traduira par « tous les cas observés sont des coïncidences ». C’est bien ainsi qu’en appel un tribunal avait annulé la condamnation du tribunal de Versailles au bénéfice du laboratoire pour le motif d’absence de preuve.

Robert Cohen va se référer à des statistiques donnant les mêmes proportions de SEP chez les vaccinés et les non vaccinés pour en déduire que le risque serait le même. Ce point de vue a été repris 4 jours plus tard par le communiqué de l’Académie de médecine :

« 8 études nationales et internationales ont démontré l’absence de relation statistiquement significative entre la SEP et la vaccination contre l’hépatite B. Une étude réalisée par Hernan et publiée en 2004 (résumé par l’Afssaps ; résumé par l’OMS) a soulevé des questions mais sa méthodologie a été réfutée par les experts de l’OMS. Deux réunions de consensus nationales en 2003 et 2004 ont confirmé les recommandations de vaccination prioritaire des nourrissons et de rattrapage des enfants et adolescents non vaccinés. Tout récemment ont été publiées deux études des services de neuro-pédiatrie français (KIDSEP) chez l’enfant et l’adolescent (2007) : la première démontre l’absence d’influence du vaccin de l’hépatite B sur le risque de passage à la SEP après le premier épisode de maladie démyélinisante ; la deuxième montre qu’il n’ y a pas d’augmentation du risque de première poussée de SEP après une vaccination contre l’hépatite B dans les 3 années précédentes. L’ensemble de ces résultats a conduit le Haut conseil de santé publique à rappeler les recommandations de la vaccination le 14 décembre 2007. »

Observons que le principal rédacteur de ce communiqué, Pierre Bégué, ancien président du Comité technique des vaccinations, participe avec Robert Cohen à l’animation d’InfoVac dont l’objectif est de conseiller les médecins pour les problèmes rencontrés dans leur pratique vaccinale.

Pourtant, ces statistiques veulent seulement dire qu’avec les tailles d’échantillons retenues il n’a pas été possible de mettre en évidence une différence significative et non pas que cette différence n’existerait pas : si le risque est de 1/100 000, soit 250 cas pour 25 millions de vaccinations, un échantillon de 200 000 personnes en donnera 2 en moyenne, ce qui en pratique, avec les variations aléatoires possibles, peut en donner 1 ou 3, voire 0 ou 4. Ajoutées aux cas "normaux" non liés à la vaccination qui peuvent eux aussi connaître des variations aléatoires, les différences observées n’ont aucune chance d’être significatives. Disons qu’on ne s’est pas donné les moyens de mettre en évidence un risque de ce niveau là.

Si on lance un dé et une pièce chacun 3 fois on peut fort bien obtenir une fois l’as et une fois pile. Peut-on pour autant en déduire que la probabilité d’obtenir l’as et celle d’obtenir pile seraient les mêmes pour un dé et une pièce ?

Robert Cohen soutiendra que l’étude de Hernan est la plus petite étude des 12 enquêtes statistiques au motif que seulement 11 cas de SEP sont survenus chez des vaccinés. Marc Girard soutiendra au contraire que c’est la plus grande car elle disposait du plus grand échantillon. Comment départager nos 2 protagonistes  alors que les 2 affirmations sont exactes, encore que l’on devrait remplacer "survenus" par "retenus dans l’étude" ?

Tout cela donne une belle opportunité de reprendre la polémique qui a entouré la publication de la statistique de Hernan en 2004.

L’étude américaine de Hernan sur la vaccination hépatite B

L’étude statistique qui avait relancé la polémique sur le vaccin hépatite B en 2004 fut réalisée à partir de dossiers médicaux de plus de 3 millions de britanniques parmi lesquels 713 cas de SEP avaient été identifiés. Ces données furent traitées à Boston par Hernan qui était assis sur une forte réputation en statistiques médicales. Il élimina 550 cas tout particulièrement pour le motif que ces personnes n’avaient pas été enregistrées au moyen d’un logiciel bien défini au moins 3 ans avant l’apparition des symptômes. Cette sévère restriction peut se comprendre afin d’éviter des polémiques sur le moment de l’apparition des dits symptômes. Il fut donc retenu seulement 163 cas de sclérose en plaque sur 713 dont 11 avaient été vaccinés moins de 3 ans avant l’identification de la maladie.

A ces 163 cas il fut décidé d’adjoindre 1604 témoins obtenus par tirage au sort parmi les personnes non malades et retenues pour l’étude. Parmi eux il y avait 39 personnes vaccinées et donc 1565 non vaccinées, soit 2,43% de vaccinés parmi les témoins, proportion sans doute voisine de celle de l’ensemble des données, l’échantillon ayant été obtenu de façon aléatoire et étant d’une taille suffisante. La partie la plus longue et fastidieuse d’un tel travail réside dans la collecte des données et l’indispensable tri qu’il faut effectuer.

Avec ces données Hernan estima que le risque de faire une SEP dans les 3 années qui suivaient la vaccination était 3,1 fois plus grand qu’en l’absence de vaccination. Il a probablement voulu trop en faire. L’objectif principal était d’abord de savoir si le risque était plus grand et non pas de le mesurer. Cela était possible de façon qualitative sans avoir à s’engager sur des valeurs quantifiées du risque.

Initiation au test statistique

L’un des objectifs de la méthode statistique est de rechercher une estimation d’une valeur comme par exemple le pourcentage de oui à un référendum ou de personnes du groupe sanguin B dans une population. Pour limiter le coût de l’étude on cherche à le faire avec un échantillon aussi faible que possible. La fiabilité de la méthode dépend à la fois de la représentativité de l’échantillon et de sa taille.

Mais, lorsque cette estimation ne peut être réalisée dans de bonnes conditions faute d’échantillons suffisants, il existe un autre test dit du Khi-2 qui peut permettre de traiter une partie de la question. Sans entrer dans les détails techniques, on procède ainsi : avec les données numériques disponibles, c’est à dire ici 11, 152, 39 et 1565 (SEP avec et sans vaccin ; témoins vaccinés ou non vaccinés), on calcule une valeur qui est ici 10,03.

 

 

                 
 

 

 
 

Cas avec SEP

 
 

Témoins sans SEP

 
 

Vaccinés Hépatite B

 
 

 11

 
 

  39

 
 

Non Vaccinés

 
 

 152

 
 

 1565

 

Cette valeur mesure la dispersion des données par rapport à ce que l’on nomme « l’hypothèse nulle », c’est à dire l’hypothèse que le risque d’apparition de la maladie serait le même pour les deux groupes vaccinés et non vaccinés. De ce point de vue la perfection est donnée par la valeur 0 exprimant un risque identique au niveau même des échantillons observés. Mais en raison des variations aléatoires, la dispersion observée ne sera jamais nulle en pratique. Tout le problème est alors d’apprécier si cette valeur 10,03 mesurant cette dispersion pourrait s’expliquer par des variations aléatoires ou si elle est trop importante pour s’expliquer raisonnablement ainsi. Auquel cas il convient de chercher une cause non aléatoire.

Le principe est simple : si la valeur du khi-deux (ici 10,03) est faible, rien n’autorise à penser qu’il y aurait une cause autre qu’aléatoire, même si elle pourrait malgré tout exister ; si la valeur est élevée, il paraîtra alors peu probable d’expliquer cette valeur uniquement par les inévitables variations liés à l’échantillonnage. Pour décider ici si 10,03 est grand ou petit, on démontre que cette valeur, qui dépend de l’échantillon trouvé, suit une loi de probabilité connue, dite loi du Khi-deux (à 1 degré de liberté dans notre situation).

On peut alors calculer que sous « l’hypothèse nulle » il y aura 1% de chance pour que les valeurs observées dépassent 6,63 et moins de 0,2% de chances pour qu’elles dépassent 10. Ici, on est donc fondé à conclure, de façon très significative (ce qui ne signifie pas certitude), qu’une cause non aléatoire est vraisemblablement intervenue pour donner plus de malades dans le groupe désigné par « vaccinés » que dans l’autre. Restant qualitative, la conclusion est donc moins précise mais la méthode permet de travailler avec des échantillons plus faibles (et qui sont ici suffisants) que pour des estimations quantitatives.

Cette conclusion ne signifie cependant pas pour autant de façon certaine que ce serait la vaccination qui serait la cause de cette différence : un même groupe pourrait en effet être désigné de plusieurs façons comme en Irlande du Nord où protestants et catholiques sont aussi socialement favorisés pour les premiers et défavorisés pour les seconds. Le terme choisi pour dénommer un groupe ne peut pas être considérée ipso facto comme étant la cause agissante : s’il y a plus de tuberculose chez les catholiques que chez les protestants ce n’est pas forcément parce qu’ils sont catholiques mais plutôt parce qu’ils sont socialement défavorisés.

Si Hernan avait traité les données statistiques comme je viens de le faire il aurait proposé une conclusion moins précise mais qui aurait été moins exposée à la critique.

Les critiques sur l’étude de Hernan

Elles ont été formulées par les experts de l’OMS et par nos experts de l’Afssaps.

Une valeur 11 trop faible

Cette valeur 11 du nombre de SEP vaccinés fut jugée trop faible par la critique. Elle l’est en effet, j’en suis d’accord, mais surtout pour une appréciation quantifiée évidemment plus exigeante que le test qualitatif précédent. Il y avait au moins 3 raisons à cette faible valeur :

1- L’élimination de 550 dossiers non enregistrés à temps. Une estimation à la proportionnelle en ajoutant ces 550 dossiers donnerait alors 48 cas de SEP apparues chez des vaccinés mais la valeur réelle pourrait être plus faible ou plus élevée, 35 ou 60 par exemple, ce qui pourrait influencer fortement les conclusions. Cela a été reproché à Hernan par les experts de l’OMS et de l’Afssaps.

2- La restriction à 3 ans pour déclarer un cas comme ayant été vacciné. Ce choix est arbitraire car il n’existe aucune raison de limiter dans le temps l’apparition de la SEP en rapport possible avec la vaccination. Mais pour d’autres études ce délai était seulement d’un an. Qu’à t-on fait dans toutes ces études des vaccinés chez lesquels la SEP est apparue après le délai fixé ? Espérons qu’ils n’ont pas été transformés en non vaccinés ! Ce serait parfaitement illicite, ils doivent être exclus des études et pas seulement de celle de Hernan. Dans le cas contraire cela reviendrait à déplacer des poids d’un plateau d’une balance vers l’autre, transformant un déséquilibre prononcé en une situation d’équilibre. J’aimerais beaucoup pouvoir vérifier si ce principe a bien été respecté.

3- Un taux faible de vaccinés, 2,43%, dans l’échantillon retenu, ce qui réduit d’autant la possibilité d’avoir des SEP chez des vaccinés. Cette proportion de vaccinés paraît bien faible comparée à celle de la France avec 22 millions de vaccinés en 1998. C’est d’abord lié au fait que la Grande Bretagne a beaucoup moins vacciné que la France, seulement 5%, ce qui pourrait aussi expliquer pourquoi ce qui fut observé en France et déclencha la polémique que l’on sait n’a pas eu d’équivalent en Grande Bretagne. C’est l’accident d’autocar comparé à un accident de voitures.

Un échantillon non représentatif

A lui seul ce taux de 2,43% montre que l’échantillon n’est pas représentatif de la population britannique où le taux de vaccinés était de 5%. Cet argument et d’autres seront avancés par la critique pour parler d’un biais de recrutement et affaiblir ainsi la valeur du travail de Hernan. Cette critique n’est pas vraiment recevable si on retient que l’objectif premier était de mettre en évidence ou d’infirmer la possibilité d’apparition de SEP liées à la vaccination hépatite B et non pas d’évaluer l’importance du risque sur l’ensemble de la population britannique ni de contester cette statistique parce que l’échantillon ne correspondrait pas à la situation française comme le fait l’Afssaps :

« La vaccination contre l’hépatite B ne concerne pas les mêmes patients au Royaume-Uni et en France. Au Royaume-Uni, seuls les patients appartenant à des groupes à risque sont concernés par la vaccination (professions de santé ou situations à risques) entraînant de possibles biais, notamment liés à la capacité pour les vaccinés d’attirer plus précocement l’attention des médecins sur des symptômes neurologiques »

Que ce soient les mêmes patients ou pas dans les 2 pays, peu importe. S’il est possible de mettre en évidence sur un groupe de population, même particulier, que le vaccin peut déclencher des SEP, la possibilité en est alors établie, au moins statistiquement. Il n’est pas acceptable d’écarter cette possibilité pour le motif évoqué. Par contre on peut toujours soutenir que le risque n’est pas le même pour tous les groupes mais c’est une autre histoire qui a noyé la première. Notre commission nationale conclura ainsi :

« Conclusion des débats de la Commission Nationale

Après en avoir délibéré, la Commission Nationale de Pharmacovigilance a adopté à la majorité les éléments de conclusion suivants :

 Cette étude menée au Royaume-Uni et, récemment publiée, apporte des éléments en faveur de l’existence d’une association entre la vaccination contre l’hépatite B et la survenue de sclérose en plaques chez l’adulte.

 La prise en compte de l’ensemble des données disponibles ne permet pas de conclure à l’existence de cette association. Cependant, un risque faible ne peut pas être exclu chez l’adulte.

 Ces conclusions doivent être considérées au regard du bénéfice attendu de la vaccination contre l’hépatite B. »

  

Des vaccinés classés non vaccinés dans les autres études ?

Je reviens sur ce problème important. Des études autres que celle d’Hernan ne retenaient comme SEP avec vaccinations que celles qui étaient apparues dans l’année qui suivait la vaccination (voir aussi ce lien pour plus de détails sur ces études). Qu’ont-ils fait de ceux chez qui la SEP apparaissait par exemple 15 mois après la vaccination ? Pour étudier valablement le problème posé ces cas doivent être exclus de l’étude pour ne comparer que les SEP vaccinés moins d’un an auparavant avec ceux qui n’avaient reçu aucune vaccination hépatite B. La conclusion pourra alors être, par exemple, qu’aucune différence significative n’a pu être mis en évidence, au niveau des échantillons disponibles, entre le risque de SEP sans vaccin et le risque d’apparition d’une SEP dans l’année qui suit la vaccination. Ou au contraire qu’une différence significative existe, selon ce qui aura été observé.

Pour comprendre l’importance du problème imaginons le scénario suivant : dans une population vaccinée à 50% on a observé 500 SEP dont 250 apparues dans l’année qui a suivi la vaccination. Reste donc 250 SEP qui ne satisfont pas à ce critère et qui constitueraient le second groupe. L’équilibre semble parfait et la conclusion paraîtrait être que la balance est équilibrée. Mais s’il y a eu 100 cas de SEP apparues chez des vaccinés au delà de la première année et 150 cas non vaccinés on doit comparer les 250 vaccinés avec SEP dans l’année à ces 150 et non pas aux 250 restants. La conclusion est alors très significatives en faveur d’un risque plus élevé après la vaccination.

Avec cet exemple on comprend comment on peut appliquer le principe classique pour rétablir l’équilibre d’une balance déséquilibrée : faire passer des poids du côté qui penche vers l’autre…Ici on prend les 100 vaccinés avec SEP au delà d’un an pour les mettre sur le plateau non vaccinés. J’ose espérer qu’ils n’ont pas fait cela, ce serait scandaleux, mais j’aimerais pouvoir le vérifier.

L’expert Marc Girard estime, selon les informations dont il dispose, que le risque de SEP n’est pas un risque faible mais au contraire élevé, voire très élevé. Or, si ce risque est élevé des études auraient dû le mettre en évidence : les tailles de leurs échantillons dépassant les 100 000 (par exemple l’étude de Zipp et coll, 1998, a suivi une cohorte de 134 698 sujets) et en admettant un risque élevé de l’ordre de 1 pour 2500 cela ferait en moyenne 40 SEP en plus par tranche de 100 000 ce qui aurait dû donner des écarts significatifs. Par contre, si on admet un risque de 1 pour 25000 par exemple, cela donne 4 cas supplémentaires en moyenne pour 100 000, ce qui peut être insuffisant pour déceler une différence significative. Contrairement à Marc Girard, les experts de l’OMS, de l’Afssaps ou de la réunion de consensus de novembre 2004 ont toujours admis que si le risque existait il ne pouvait être que faible. Dans ces conditions, il est effectivement impossible de soutenir que le risque serait élevé, sauf à admettre que les données statistiques auraient été faussées et par exemple traitées comme je le suggérais, c’est à dire en classant comme non vaccinés les vaccinés ayant fait une SEP au delà du délai arbitraire imposé. Je le répète, pour l’honneur scientifique des auteurs de ces études ainsi que des institutions qui s’appuient sur elles pour définir leur politique de santé publique en la matière, et qui savent sans doute à quoi s’en tenir, j’ose espérer qu’il n’en est rien. J’espère seulement avoir un jour la possibilité de constater que mes interrogations n’étaient pas fondées. Cependant, vu ce à quoi j’ai assisté en matière de manipulations statistiques dans l’affaire du BCG SSI on peut malheureusement craindre que l’impensable puisse être la réalité. Voir à ce sujet mes 3 principaux articles : "descendue du Sinaï, l’expertise était dans la lune ! ", "Cas évités par le BCG, un calcul très simpliste", "Des défaillances de l’expertise vaccinale à la nécessité d’une critique citoyenne".

 

Additif : le mardi 11/03/08 Arte diffusait « Le monde selon Monsanto » disponible en DVD sur son site. A propos des décès pouvant être associés à la dioxine j’ai pu entendre un scientifique dire qu’il avait consulté les 2 études sur le sujet. La première classait un certain nombre de personnes décédées dans la catégorie "avec dioxine" mais certaines d’entre elles avaient été reclassées "sans dioxine" dans la seconde étude réalisée par Monsanto. Ainsi, ajouta-t-il, l’équilibre était rétabli et Monsanto pouvait annoncer que rien ne prouvait que la dioxine avait tué. Mon interrogation n’est donc pas totalement infondée : de telles pratiques sont dans le domaine du possible.

Peut-on vérifier une affirmation en accédant aux données brutes d’une étude ? Au cours de la même émission, un participant a voulu avoir accès à de telles données concernant les effets d’un produit de Monsanto. Il a frappé à de multiples portes sans rien obtenir. Il s’exclame que de telles données devraient être publiques et disponibles pour tous afin que ceux qui le souhaitent puissent les étudier.

On retrouve les mêmes ingrédients avec la vaccination hépatite B : des experts font des enquêtes et annoncent leur conclusion, toujours la même, et on doit les croire. Qu’un autre expert publie des résultats contraires et son étude est aussitôt déclarée bourrée d’erreurs et de failles jetant le discrédit non seulement sur l’étude mais aussi sur la compétence de l’auteur.

L’effet diluant des critères statistiques

La décision de limiter à une durée d’un an la prise en compte d’une SEP apparue chez un vacciné n’a aucune justification puisqu’on est dans l’ignorance du mécanisme biologique par lequel le vaccin pourrait déclencher une telle maladie. Rien ne permet de dire qu’en se manifestant 15 mois ou 40 mois après la vaccination celle-ci ne saurait être en cause. Voici un exemple amusant permettant de comprendre à quoi on pourrait arriver ainsi :

Supposons que l’on veuille étudier par une statistique l’éventualité d’un lien de cause à effet entre les rapports sexuels et les naissances. On décide de classer comme étant « nés avec rapport sexuel » les enfants nés moins de 3 mois après le dernier rapport et comme « nés sans rapport sexuel » ceux nés plus de 3 mois après. Il ne serait pas impensable de pouvoir produire une statistique conduisant à conclure que la preuve d’une relation ne saurait être établie. S’emparant de cette conclusion statistique pourtant prudente et non définitive, les autorités pourraient alors proclamer que le phénomène des familles nombreuses étant sans lien avec l’activité sexuelle, il n’y a plus aucune raison pour se restreindre !

De plus, les études statistiques ne prennent pas en compte la durée entre la vaccination et les premiers symptômes car ils sont généralement seulement enregistrés par le patient et non par un médecin, donc considérés comme non fiables. Aussi un trouble apparu quelques jours après la vaccination, comme assez souvent dans les témoignages, se transforme en SEP apparue dans l'année, ce qui pourrait tout changer. Au moins pour cette raison les statistiques de SEP ne sont pas satisfaisantes car beaucoup de témoignages font état de troubles soudainement apparus dans les jours ou semaines qui suivaient la vaccination. Mais les études n’ont pas cherché à prendre en compte cette simultanéité qui frappe tous ceux qui prennent connaissance de ces témoignages. C’est une forme de dilution dans le temps. De plus, Marc Girard fait remarquer que les critères de définition statistique de la maladie ont été durcis, ce qui conduit à allonger la durée nécessaire pour reconnaître la maladie et donc franchir la limite d’une année.

43% des cas dans les 2 mois après la vaccination, est-ce vraisemblable !

Plutôt que de chercher à allonger la durée prise en compte on pourrait au contraire la restreindre à 2 mois pour tenter de prendre en compte la durée très courte souvent relatée entre la vaccination et les premiers symptômes. Dans cette optique je suis interpellé par cette affirmation du bilan de la commission nationale de septembre 2004 :

« Le bilan des cas notifiés au réseau national des centres régionaux de pharmacovigilance, aux laboratoires et à l’association de patients REVAHB (Réseau Vaccin Hépatite B) recense :

- un total de 1110 cas d’affections démyélinisantes centrales, dont 898 cas de sclérose en plaques (SEP), signalés depuis la mise sur le marché des vaccins contre l’hépatite B jusqu’au 31 décembre 2002. Respectivement 43,5%, 79,2% et 94,4% d’entre eux sont survenus dans les 2 mois, 12 mois et 3 ans suivant la vaccination.

-  L’examen des caractéristiques de ces observations de SEP en termes d’âge, sexe, forme clinique, facteurs de risque, délai d’apparition et type d’atteinte neurologique ne permet aucunement de les différencier des SEP classiques, ni d’affirmer la responsabilité du vaccin dans leur survenue. »

Car enfin, 43,5% de ces 1110 cas recensés à l’époque dans les 2 mois qui suivent la vaccination paraît a priori un argument très fort. Mais a-t-il vraiment été correctement incorporé dans les études statistiques ? Supposons d’abord que l’on cherche à confirmer ou infirmer l’affirmation que la St Valentin serait un facteur déclenchant d’affections démyélinisantes : on pourrait chercher à comptabiliser ces affections apparues entre le 14 février et le 15 avril. On peut penser, si la saison n’intervient pas dans l’affaire, ce qui est vraisemblable, qu’on trouverait à peu près le sixième des cas totaux dans l’année (ou sur plusieurs années cumulées). Le sixième soit 16,7% et non pas 43,5%. L’objection qui sera alors faite serait sans doute que la date de la vaccination n’est pas la même pour tout le monde et c’est ce qui permet une dilution sur toute l’année. Mais supposons que tous aient été vacciné le 14 février et que l’on ait non pas à peu près 16,7% de cas jusqu’au 15 avril mais 43,5%, soit 26,8% d’excédents par rapport à la moyenne attendue, on aurait là un élément très fort en faveur de l’action du vaccin sur ces 26,8% de cas. Par contre, si les dates de vaccinations sont réparties uniformément sur l’ensemble de l’année, les 26,8% vont se diluer sur chacune des 6 périodes de 2 mois que l’on considérera.

Par exemple l’étude de Touze (1997, revue neurology 2000) retient 121 cas apparus dans les 2 mois, soit 20 cas en moyenne par tranche de 2 mois. Ces valeurs peuvent être trop faibles pour faire apparaître des différences significatives.

Evaluer la probabilité de coïncidence

Supposons que l’apparition d’une affection démyélinisante soit indépendante de la vaccination, ce qui est l’hypothèse que l’on cherche à tester. Supposons que pour une personne donnée le destin ait fixé cette événement malheureux pour le 2 juillet 1997. Supposons maintenant que la décision de sa vaccination ait été prise pour l’année 1997 et que la date soit choisie au hasard dans l’année. On a alors une chance sur 6 pour que cette personne soit vaccinée dans les 2 mois qui précèdent l’apparition de la maladie et 5 sur 6 du contraire. Sous ces hypothèses on devrait avoir 5 cas sur 6, soit 83,33% des cas, en dehors de cette fourchette de 2 mois alors qu’on en a 56,5%. Si le nombre total de cas enregistré en 1997 est suffisant, nul doute que la différence sera très significative (60 cas dans l’année seraient suffisants).

La troisième hypothèse peu ne pas paraître totalement réaliste mais elle permet de faire simple pour pouvoir calculer la probabilité de coïncidence sous ces conditions. Il faudrait d’ailleurs corriger en multipliant par la probabilité que la décision de vaccination soit justement prise l’année où la personne va déclarer sa maladie, ce qui réduirait encore cette probabilité. De toute façon un créneau de 2 mois c’est très court ici et la probabilité que la personne soit vaccinée justement dans les 2 mois qui précèdent une maladie de cette nature, maladie qui n’apparaît qu’une seule fois dans une vie et rarement, est certainement très faible. Admettre, comme je l’ai fait, que cette probabilité serait de 1/6 apparaît plutôt comme une large surestimation qu’une sous-estimation. Cela ne veut pas dire que la coïncidence soit impossible mais je doute a priori qu’elle puisse se produire pour 483 cas sur 1110. Il y a là en effet quelque chose qui me chiffonne. Supposons qu’on annonce avoir trouvé 1110 personnes vaccinés hépatite B puis victimes d’une fracture du fémur dont 483 dans les 2 mois après cette vaccination. Cela paraîtrait immédiatement complètement invraisemblable à tous. On pourrait concevoir là un moyen de comparaison : choisir un événement médical rare et sans lien apparent avec la vaccination hépatite B et comptabiliser combien s’en produisent dans les 2 mois qui suivent la vaccination.

Peut-on traiter la question d’une façon plus rigoureuse ? L’étude statistique consiste à associer des témoins aux cas recensés. On suppose ces témoins soumis aux mêmes aléas que les cas. Par comparaison entre les témoins et les cas on évite d’avoir à décrire la nature de ces aléas et on se dispense d’avoir à évaluer des probabilités de coïncidences impossibles à gérer en toute rigueur. Faute de données plus précises sur ces témoins il nous est impossible, à nous les témoins de ce spectacle imposé par les acteurs de la santé publique nationale et mondiale, de reprendre ces études pour le cas échéant mettre en évidence des couacs dans leurs prestations. En investiguant comme je le fais je n’essaie pas de convaincre mais de faire réaliser l’invraisemblance de la conclusion par rapport aux chiffres fournis : sur une période de 2 mois et un nombre important de victimes (1110) il n’est pas vraisemblable que l’on puisse avoir 483 coïncidences avec des maladies démyélinisantes dont des SEP. Ce pourrait être différent pour la grippe par exemple qui est saisonnière et répétitive, ainsi que sa vaccination.

Si les études concluent à la coïncidence, ou du moins à l’impossibilité de mettre en évidence le contraire, c’est de manière quasi certaine qu’elles contiennent une erreur importante.

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B
D’abord merci pour votre message et vos appréciations.<br /> <br /> Pour votre première remarque j’en étais conscient, c’est d’ailleurs pourquoi j’avais écrit "des études" et non pas "les études". Le problème auquel nous sommes confrontés est d’abord que nous n’avons pas tous les détails sur les cas, ce serait d’ailleurs ingérable pour nous, mais seulement des valeurs finales et il faut se débrouiller avec. Aussi nous sommes dans l’impossibilité de reprendre les études pour tenter d’y voir plus clair. J’essaie seulement de soulever des contradictions ou des lacunes qui ressortent de ces publications très partielles. Et peut-être aussi partiales car il est patent que si les experts avaient une foule de critiques à formuler à l’encontre de l’étude de Hernan ils n’ont rien à dire sur les études concluant dans le sens visiblement souhaité.<br /> <br /> Pour votre seconde remarque sur les 43% notons qu’il s’agit de SEP et aussi d’autres manifestations démyélinisantes. Ensuite, selon le texte, ils se sont appuyés sur ces données (1110, 43% etc) pour CONCLURE à l’absence de différence significative. Votre remarque consiste, si je l’ai bien comprise, à contester ces nombres et à admettre que ce 1110 pourrait être très sous-évalué, alors que 483 cas avant 2 mois le serait beaucoup moins. D’où la possibilité d’une réduction importante du pourcentage de 43% si on disposait des valeurs réelles. Mais, selon ce qu’on peut supposer avec ce qui nous est transmis, l’étude concluant à l’absence visible de lien n’argumentait pas ainsi mais considérait que ces données - 483 cas avant 2 mois et 1110 cas en tout - étaient non démonstratives de l’existence d’une lien et c’est cela que je jugeais invraisemblable.<br /> <br /> Si on modifie les données, c’est une autre histoire : si on admet par exemple qu’il y a eu 2800 cas au lieu de 1110 dont 483 avant 2 mois on tombe à 17,25% et la proportion devient normale (voir PS2). " Ils" ne semblent pas avoir raisonné ainsi mais à partir des données disponibles. On constate donc qu’il faudrait une sous notification très forte des cas au delà de 2 mois et une quasi absence de sous-notification avant pour arriver à l’équilibre. Si on en accepte 500 au lieu de 483 il faut monter à 3000. Vous l’avez qualitativement fait remarquer. Peut-on expliquer un écart aussi énorme par des différences dans le zèle des notifications selon l’éloignement de la date de vaccination ? C’est la question que vous avez posé et je vous en remercie.<br /> <br /> PS1 - En relisant la citation que j’avais retenue à ce sujet je constate qu’ils n’y mentionne pas une appréciation statistique mais clinique et biologique : les SEP après vaccin ne se distinguaient pas des autres. Je n’avais pas fait attention à ce détail.<br /> <br /> PS2 – Je suppose dans mes calculs que la normale serait 1/6 des cas par période de 2 mois. Mais cela est obtenu en supposant qu’on vaccine au hasard pendant l’année où la personne va faire sa SEP. Il faudrait multiplier par la probabilité de vacciner justement cette année là. Si on choisit une période de 6 mois au lieu d’un an, la normale passe à 1/3 mais à corriger par la probabilité de vacciner pendant cette période de 6 mois plutôt qu’avant ou après. Il suffit qu’elle ne dépasse pas ½ pour retrouver 1/6. On voit que 1/6 est plutôt une large surestimation de la probabilité de coïncidence qu’une sous estimation. Mais cela est purement indicatif.
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J
J'ai lu votre article, très intéressant. <br /> <br /> J'aimerais néanmoins apporter une précision quant au fait que les études ne prendraient pas en compte les SEP déclarées au delà d'un an après la vaccination. Dans la liste d'études que vous citez, certaines ne s'intéressent effectivement qu'à la première année, mais ce n'est pas le cas de toutes.L'étude de De Stefano et al. pousse l'intervalle jusqu'à 5 ans, par exemple. <br /> <br /> J'aimerais également apporter une remarque concernant le dernier point abordé : les 43%.<br /> <br /> Le chiffre des 1110 cas est un chiffre concernant, comme indiqué, des cas notifiés, donc rapportés par les médecins. Il est donc possible que ce chiffre comprenne majoritairement des cas de SEP s'étant déclarés peu de temps après la vaccination, et que les SEP déclarées plus tard aient été sous-notifiées. Ceci expliquerait donc peut-être le fameux 43% dont on parle plus haut. Cette hypothèse est étayée par le fait que selon ces mêmes chiffres, 94% des cas ont été déclarés dans les 3 ans. Quid de toutes les SEP ayant débutées plus de 3 ans après ? Si une sous-notification est intervenue pour ces cas, cette dernière peut donc constituer un biais sur ce chiffre.<br /> <br /> Par ailleurs, 1110 est un chiffre faible comparé à la prévalence nationale rapportée au taux de vaccination. La sous-notification est donc avérée. Reste à connaître sa répartition dans le spectre du délai entre vaccination et début de SEP. Puisque, humainement parlant, on a moins tendance, à établir une relation de cause à effet lorsque la cause est lointaine, une sous-notification en faveur d'un rééquilibrage de la répartition de l'intervalle vaccin/SEP est donc une hypothèse possible, voire assez probable. J'ajoute que la prise en compte de ces cas non notifiés de telle sorte que l'équilibrage serait rétabli laisse encore de la marge quant au dépassement de la prévalence normale : on en est encore bien loin.<br /> <br /> Merci pour votre intervention, qui, une fois n'est pas coutume, a réussi à s'affranchir de tous le passionnel et l'irrationnel qui teinte souvent ces débats.
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