Le vaccin contre le pneumocoque favorise-t-il les souches non vaccinales ?
La question est posée par une étude publiée le 18 janvier 2008 par l’InVS. Si on manque encore de recul pour conclure définitivement, les données obligent à s’interroger. En effet, l’augmentation importante de la couverture vaccinale chez les enfants de moins de 2 ans en 2006 a été parallèlement accompagnée d’une augmentation des infections et méningites à pneumocoque de souches non contenues dans le vaccin. Coïncidence ? Le phénomène a été observé aux Etats Unis et pourrait inquiéter.
C’est en janvier 2003 que le vaccin anti-pneumococcique heptavalent PCV7 a été introduit dans notre calendrier vaccinal pour les enfants de moins de 2 ans jugés à risque. Cette recommandation vaccinale a été élargie en juin 2006 à tous les enfants de moins de deux ans. Le vaccin PCV7 couvre les 7 sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F et 23F qui étaient les plus fréquemment retrouvés chez l’enfant avant l’introduction de la vaccination.
2005 : diminution du nombre de cas
En 2005 on a observé une diminution de l’incidence des méningites et des infections à pneumocoque chez l’enfant de moins de 2 ans alors que cette diminution n’était observé ni chez les enfants plus âgés ni chez les adultes. Selon l’InVS ces observations paraissaient très en faveur d’un impact positif de la vaccination par le PCV7.
2006 : légère augmentation
Chez l’enfant de moins de 2 ans, l’incidence des méningites à pneumocoque est passé de 5,4 cas/100 000 en 2005 à 6,0 cas / 100 000. De même, l’incidence des infections bactériémiques à pneumocoque qui était de 17,1 pour 100 000 en 2005 est passé à 17,5 cas / 100 000 en 2006. L’InVS note pour le moins une stagnation du nombre de cas alors que la couverture vaccinale par le PCV7 a augmenté : les remboursements de PCV7 ont progressé de 20 % chez les enfants de moins d’un an entre 2005 et 2006 et la proportion des enfants qui ont reçu une primo vaccination complète estimée à 44 % au 1er trimestre 2006 était estimée à 56 % au 1er trimestre 2007 lors de deux enquêtes réalisées sur un échantillon d’enfants de 6 à 12 mois.
Recrudescence des souches non vaccinales
L’InVS note que
« l’incidence des méningites à pneumocoque de sérotype vaccinal a diminué de 2,3 à 1,1 cas / 100 000 entre 2005 et 2006 (- 54 %), tandis que celle des méningites à pneumocoque de sérotype non vaccinal a augmenté de 3,1 à 4,9 cas / 100 000 entre 2005 et 2006 (+ 56 %) chez les enfants de moins de deux ans. De même, l’incidence des infections bactériémiques à pneumocoque de sérotype vaccinal a diminué de 7,8 à 5,3 cas / 100 000 (- 32 %) entre 2005 et 2006 tandis que celle des infections bactériémiques à pneumocoque de sérotype non vaccinal a augmenté de 9,4 à 12,2 cas / 100 000 (+ 31%) entre 2005 et 2006 chez les enfants de moins de deux ans. »
« Parmi les sérotypes non vaccinaux retrouvés dans les méningites et les infections bactériémiques chez les enfants de moins de 2 ans, deux sont prépondérants en 2006 : les sérotypes 7F et 19A. L’incidence des infections invasives liées à ces 2 sérotypes a augmenté depuis 2004-2005. Alors qu’ils représentaient moins d’une souche sur 8 (12 %) en 2001-2002, ils représentent en 2006 près de 4 souches sur 10 (37 %). »
« Par contre, chez les enfants plus âgés et les adultes, aucune tendance évolutive importante de l’épidémiologie des infections invasives à pneumocoque n’apparaît depuis 2001, qu’il s’agisse de sérotypes vaccinaux ou non vaccinaux. »
L’expérience américaine
Le vaccin PCV7, le Prevenar, est produit par le laboratoire américain Wyeth dont c’est le seul produit phare. Il a ainsi été introduit aux USA avant la France et ce pays a déjà pu faire quelques observations. L’InVS rapporte que
« le remplacement des sérotypes vaccinaux par des sérotypes non vaccinaux a été observé aux Etats-Unis où l’incidence des cas dus à des sérotypes non vaccinaux a augmenté de 22% chez les enfants de moins de 5 ans quatre ans après l’introduction du PCV7 tandis que l’incidence des cas dus à des sérotypes vaccinaux a diminué de 97 %. Aux Etats-Unis le sérotype 19A a émergé comme le sérotype le plus fréquent représentant 35 % des souches isolées chez les enfants de moins de 5 ans en 2004. »
Malgré cette expérience concordante l’étude se veut prudente avant de conclure ainsi et considère comme
« prématuré de conclure aujourd’hui à une émergence de sérotype non vaccinaux qui serait liée à la pression de sélection exercée par la vaccination des nourrissons. La poursuite de la surveillance en 2007 permettra de mieux apprécier et interpréter cette augmentation des cas dus à des souches de sérotypes non vaccinaux. »
Bilan provisoire positif
L’étude veut continuer à se montrer favorable à la poursuite de la vaccinations et aux bénéfices attendus chez les adultes grâce à la réduction de la circulation des souches chez les enfants :
« En France l’incidence des méningites et des infections bactériémiques chez le jeune enfant reste inférieure en 2006 à celle qui était observée pendant la période pré vaccinale (-28%). Si les données de surveillance française les plus récentes suggèrent que le bénéfice de la vaccination parait être réduit par l’émergence de sérotypes non vaccinaux, le solde reste en faveur de la vaccination. De plus, un impact indirect de la vaccination par le vaccin PCV7 sur l’incidence des infections invasives chez les sujets âgés est attendu avec une amélioration de la couverture vaccinale et du respect du schéma vaccinal complet recommandé en France (3 doses à 2,3 et 4 mois de vie et un rappel entre 12 et 15 mois). Cet effet lié à une diminution du portage des souches vaccinales chez les enfants a été observé aux Etats-Unis mais n’est pas encore perceptible en France, où l’introduction du PCV7 est plus récente. »
Tout cela confirme que le lancement d’une campagne de vaccination reste une aventure et une expérimentation menée sur les populations qui n’ont nullement conscience des problèmes épidémiologiques posés par ces campagnes et des inconnues majeures qui les entourent. Il y a loin du vaccin de laboratoire aux effets collectifs d’une campagne de vaccination.
Attendons la suite…