Fièvre Jaune : une seule solution, la vaccination !
C’est bien ce qui ressort du dernier BEH (Bulletin
épidémiologique hebdomadaire) de l’InVS (Institut de veille sanitaire) qui consacre le n° 25-26 du 19 juin
2007 aux maladies du voyageur et donc en particulier à la fièvre jaune,
maladie sous le contrôle du RSI (règlement sanitaire international). Certains
pays peuvent exiger la vaccination contre la fièvre jaune pour des voyageurs en
provenance d’une zone d’endémie.
Ce BEH fait donc le point sur l’épidémiologie de la
maladie ainsi que de sa prévention par la vaccination. Il signale par exemple
qu’entre 1996 et 2002, 10 cas ont été rapportés chez des personnes
non-vaccinées d’Europe et des États-Unis, avec une issue fatale dans 100 % des
cas, dont 2 cas français en 1979 au retour du Sénégal, hors de tout contexte épidémique. L’estimation du risque
chez le voyageur est jugée complexe et peu fiable, sous la dépendance de
nombreux paramètres : intensité de circulation du virus, durée du séjour,
effectivité de l’exposition, fluctuations annuelles et saisonnières de la
maladie, couverture vaccinale locale et défauts de la surveillance. En dehors
des épidémies le virus circule, provoquant des cas isolés ou des micro-foyers,
souvent non identifiés ou sous-déclarés. Le rôle attribué au vaccin est exprimé
sans ambiguïté :
« En
l’absence de thérapeutique spécifique, la vaccination, parfaitement tolérée
dans l’immense majorité des cas, reste la seule protection efficace.
Cette vaccination, régie par le Règlement Sanitaire International, est valable
pour une durée de 10 ans. »
La lutte contre les moustiques et leurs larves est
totalement passée sous silence. C’est pourtant elle qui avait permis à
l’Amérique du Sud et Centrale de se débarrasser de la fièvre jaune il y a 50
ans (voir l’article sur ce sujet). Ce type de lutte aurait-il été
abandonné ? Non ! Ainsi, l’Institut de recherche pour le développement, l’IRD, écrit sur son site :
« Malgré
l'existence d'un vaccin préventif efficace, la fièvre jaune est en
recrudescence depuis les années 1980 et, au cours de cette dernière décennie,
25 000 cas environ ont été enregistrés dans le monde dont la majorité en Afrique.
Cet état de fait est dû à un relâchement de la couverture vaccinale et de la
lutte contre le moustique vecteur de la fièvre jaune à l'homme, Aedes
aegypti. »
L’IRD
décrit alors une expérience menée sur le terrain au Sénégal. Elle établit qu’en
milieu naturel le moustique femelle peut transmettre directement le virus à sa
descendance alors qu’on pensait auparavant que le moustique devait s’infecter
en piquant des personnes ou animaux infectés. Cette transmission, dite
verticale, peut permettre une diffusion très rapide du virus parmi les
moustiques et rend encore plus indispensable la lutte contre les larves
conduisant l’IRD à la conclusion suivante :
« De ce fait, ce mode
de transmission joue probablement un rôle majeur dans la propagation de
l'épidémie, rendant impératifs une bonne couverture vaccinale ainsi qu'une
lutte contre Aedes aegypti (destruction des larves) dans les zones à
risque. »
Cette transmission
verticale était connue auparavant mais avait été seulement établie dans des
conditions de laboratoire. On sait maintenant qu’elle exista aussi en milieu
naturel. On apprend aussi qu’un équipe internationale a réalisé le séquençage
du génome du moustique responsable de la propagation de la fièvre jaune et
aussi de la dengue. Il s’agit, bien évidemment, de trouver des méthodes plus
efficaces pour lutter contre le moustique. L’une des conséquences de cette
transmission verticale du virus est que la vaccination, si elle peut protéger
les individus, ne peut éviter la propagation du virus puisqu’il n’est pas
nécessaire que les moustiques s’infectent sur un malade pour assurer cette
transmission. Cette découverte rend donc plus indispensable encore une lutte
rationnelle et efficace contre les moustiques et leurs larves.
Le
conflit entre la vaccination et la lutte contre les moustiques n’est pas
nouveau. En 1952 le Centre International de l’Enfance a publié une série de
conférences faites à Paris fin 1951. L’ouvrage de 530 pages s’intitule
« vaccinations contre les maladies contagieuses de l’enfance ». Sur
la fièvre jaune c’est le Médecin-Général Marcel Vaucel, alors Inspecteur
général des Instituts Pasteur d’Outre-Mer qui est intervenu par un exposé de 9
pages. Il conclut ainsi :
« Que
penser des dispositions (rendant la vaccination obligatoire) qui témoignent
encore de l’épouvante causée naguère par la fièvre jaune ? Cette frayeur a
été justifiée par l’importance des épidémies urbaines. Or de telles épidémies
sont actuellement combattues par les seules mesures d’hygiène et par la lutte
contre les moustiques. Ainsi, pour la prévention de ces épidémies, la
vaccination certes désirable, n’est pas en définitive réellement indispensable.
Quant à l’obligation de la vaccination, réclamée trop souvent sans esprit
critique par les Services Sanitaires de certains pays pour les passagers en
transit, elle peut être remplacée avantageusement par d’autres mesures et avant
tout par une lutte efficace contre les moustiques. »
En
1977 j’avais rencontré un médecin-général en retraite qui, voyant que je
formulais des critiques sur la vaccination antivariolique et le BCG, m’attaqua
vertement sur la fièvre jaune. Je lui ai alors présenté cet ouvrage. Il m’a dit
que Marcel Vaucel avait été son patron. Je lui montre le passage que je viens
de citer. Il atténue alors sa critique, paraît un peu décontenancé puis finira
pas me dire que quand il était en fonction à Dakar il avait donné l’ordre de
boucher les trous des arbres avec du ciment. Cette anecdote est très
significative. Si je n’avais pas disposé de cet ouvrage il ne m’aurait sans
doute jamais dit cela. Cette attitude est très répandue : alors que des moyens
très importants sont mobilisés pour lutter contre les moustiques on ne parle
que de la vaccination.
En
juillet et août 1959 j’ai passé 2 mois à Bamako, ce qui m’a valu d’être vacciné
contre la fièvre jaune. J’ai vu passer à plusieurs reprises les services de
démoustication qui aspergeaient un insecticide sur les murs. Plusieurs équipes
passaient dans toute la ville puis recommençaient…Que la vaccination ait son
efficacité et son utilité, il ne s’agit pas de le nier. Mais pourquoi passer
systématiquement sous silence les autres mesures de lutte ?